05 novembre 2006

Parlons moteurs et bougies d’allumage

Certes, je ne caresse pas sa carrosserie coruscante, non plus que je n’embrasse son capot en inhalant ses bonnes vibrations et son aura suave. Dans une soirée, n’ayez crainte, je ne suis pas celui qui aime à discourir sur la puissance de telle marque de moteur et sur l’étonnant comportement de tel char lorsqu’on passe de la troisième à la deuxième vitesse à 120 kilomètres à l’heure dans une courbe. Je ne suis pas non plus ce voisin snob qui vous avertit que la dernière Audi décapotable, ouf! mais avez-vous vu la finition de l’intérieur du coffre à gants? Non? Juste pour ça, moi j’ai vendu la mienne.

Bref, au petit dam de mon père, je ne suis pas un vrai gars de char. Non, ce n’est pas moi qui vous dira qu’il faudrait changer votre timing belt et que le petit bruit qu’on entend là, écoute, c’est pas les gaskets qui sont lousses? Il faut mentionner que je suspecte mon père d’être capable de reconnaître et d’identifier les voitures (en précisant le plaque minéralogique et le code couleur de la peinture) par le son ou l’odeur. Je ne suis pas un cancre non plus. Je sais que le voisin, ce n’est pas une auto rouge qu’il a, mais telle marque et tel modèle. Et si je ne peux dire l’année avec précision, je sais que ce modèle-là ne se fait plus et que celui-là, bien, il est arrivé sur le marché il y a deux ans. Donc, ce n’est pas moi qui dirai à votre beau-frère que mon cousin a acheté une Toyota Accent Civic, ou que, en tout cas, c’est un ben beau char gris. Enfin, la base.

Mais, dernièrement, mon petit moyen de transport, cet habitacle où il me plaît discuter avec René Homier-Roy et fausser avec un peu tout le monde, hé bien, il se faisait vieux. Il devenait incontinent aussi. Bref, rien pour rassurer la belle-famille. En fait, je n’avais pas connu ce besoin difficile à cerner de rester chez mes parents jusqu’à 42 ans et de mettre tout mon argent sur une auto que j’embellirais (modifierais semble plus juste) jusqu’à ce que l’aileron arrière soit assez haut et pesant pour faire lever les roues avant. Ah, la joie que j’aurais eue après d’aller faire crisser mes pneus devant les bars et de m’attirer les plus jolies jeunes femmes en pâmoison! Hé non, moi qui ai un sens des valeurs douteux, j’ai éreinté mon vieux véhicule jusqu’à ce qu’il commence à me faire comprendre que c’est lui qui allait me quitter si je ne prenais pas l’initiative de regarder ailleurs.

Mais enfin, changer de véhicule, ça implique de fréquenter ces gens parfois peu fréquentables que sont les vendeurs de chars. C’est ce que je fis. Et comme je n’avais pas déjà en tête le numéro de série de l’auto que je voulais, ce fut un peu palpitant comme expérience. Le début a été difficile, mais je me suis finalement lancé. Que je remarquai la belle stabilité de celle-ci! Que je m’aperçus du caractère bruyant de cette dernière! Que je m’invectivai en réalisant combien celui-là était un char de pépère! Que je vis bien que ça, hé, c’était beige!

Puis la rencontre a eu lieu. Nous étions tous les deux prêts à passer à autre chose. C’était réciproque et sain, je le sentais. Ce fut réglé en une soirée, et maintenant, si je le souhaite, lorsque je lave la vaisselle, je peux lui jeter un petit coup d’œil par la fenêtre.

Nous allons vieillir ensemble, ma chérie.

Enfin, disons pour cinq ans. Après, il y aura des plus jeunes à reluquer, j’imagine

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