29 octobre 2007

5 – Tu ne commettras pas d’assassinat

De prime abord, tu ne peux pas vraiment dire que Dieu a beaucoup tergiversé sur celui-là:

(20.13) Tu ne commettras point d’assassinat.

Mais tu vois la main levée, là, à la première rangée. «La traduction classique ne dit-elle pas plutôt que tu ne tueras point? – Oui, bien sûr, tiens, prends un biscuit, tu l’as mérité.» Voilà, ça semble vraiment très clair, et c’est pourtant juridiquement et linguistiquement un commandement très complexe. Donc, tiens, en feuilletant au hasard comme ça dans ta bible originelle non traduite écrite à la main, tu réalises facilement qu’il n’est pas écrit «Tu ne tueras pas» comme dans l’affriolante et guillerette histoire où Caïn tue Abel (lo taharog, ainsi qu’aime à le préciser l’amateur de citations obscures et de sources primaires). En fait, c’est bien «Tu n’assassineras pas», soit lo tirtza’h. Et le beau dans tout ça, c’est donc que Dieu permet de procéder à l’homicide d’origine contrôlée en cas de légitime défense.

À vrai dire, ça te rend particulièrement heureux, parce que tu as quand même tué une quantité condamnable de bibittes ailées zézayant dans la brunante et tu aurais pu subir le divin courroux devant l’Éternel. Mais tout va maintenant beaucoup mieux: c’est évidemment les bibittes qui avaient cherché le trouble.

Oui, Dieu a donc un peu changé d’avis sur le principe de la joue droite et de la joue gauche successives. Dieu merci, Il est maintenant pour la légitime défense.*

Corollaire 1: Dieu est conscient qu’Il a créé des parasites.

Corollaire 2: Dieu apprécie bien Bruce Willis.

* À la suite d'une plainte reçue par ici, l’ombudsman groenlandais convient de noter qu’il s’agit ici d’un anachronisme biblique arrangé avec le gars des vues, en l’occurrence l’auteur de ce blogue. En effet, l’auteur ne voulait pas changer sa conclusion. Il l’assume et compte sur la mansuétude du plaignant pour éviter la pendaison. En effet, la pendaison, ce n'est pas trop dans ses cordes...

22 octobre 2007

4 – Honore ton père et ta mère

Tu n’es pas un garçon ingrat. Tu sais te conduire en société. Tu essuies tes pieds et enlèves tes souliers en entrant chez les gens. Tu dis s’il vous plaît lorsque tu demandes qu’on te passe le pain. Tu dis merci lorsqu’on te le passe. Tu ne dis pas de gros mots indécents ou vulgaires (tu n’invoques pas Dieu en vain non plus) si on ne te le passe pas. Tu sors la récupération le mardi et les poubelles le mercredi. Tu n’oublies pas d’appeler ta mère à sa fête. Tu t’es même acheté des nouveaux souliers propres. Bref, bibliquement parlant, tu honores ton père et ta mère. Un peu comme Rodrigue qui a bien du cœur (mais on est rendus à trèfle atout, dommage).

(20.12) Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne.

L’Éternel, ton Dieu, donne ici un indice particulièrement éclairant sur ce qui se passe après la mort. Une étrange légende urbaine prétend qu’à la mort d’un homme ou d’une femme de bonne volonté, après avoir monté le grand escalier céleste (mais ils ont aussi un ascenseur, juste à droite, la Régie du logement a un peu insisté), l’homme ou la femme décédé ou décédée arrive d’une façon qu’on jugera épicène devant saint Pierre. Ce dernier est alors habillé en tunique blanche avec une grande barbe blanche, et on constate tout de suite que c’est une légende urbaine, car saint Pierre a un peu plus de décorum que ça et porte sûrement un complet-cravate, sauf peut-être le samedi matin. Mais bon, calembredaines que tout cela, car c’est écrit entre les lignes, juste pour toi qui veux que tes jours se prolongent dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne: c’est probablement ton père et ta mère qui sont en haut de l’escalier. Ils vont probablement t’attendre, ta mère va dire à ton père qu’il aurait pu mettre autre chose que ce t-shirt-là, elle va peut-être même avoir apporté du sucre à la crème. Ce sera donc eux qui auront rédigé ou rapatrié sans toi la Constitution du dominion qui t’attend là-haut ou plus bas à gauche, bref, où que soit le pays qu’on te donnera. Mais il ne faudra pas rechigner, car à pays divin donné on ne regarde pas la stratigraphie. C’est vrai enfin, dans une autre religion, pour une question de karma ou pour un autre truc récupéré en ésotérisme spririto-hystérique, tu aurais pu te réincarner en brin d’herbe et finir dans un estomac de vache, dans une sauce bolognaise ou brûler vif avec ou sans papier filtre.

Bref, honorer ton père et ta mère, vraiment, ce n’est pas trop demander. Il existe à coup sûr des moyens plus difficiles d’obtenir un pays.

16 octobre 2007

3 – Tu te souviendras de sanctifier les jours festifs

S’il est évident que les bonnes gens se reposent généralement bien le dimanche (certains vont même jusqu’à écouter la Semaine verte), il y a quand même un petit bout de temps déjà que tu n’as pas organisé un grand événement rassembleur pour célébrer la Fête-Dieu. Et quand as-tu entendu le Kyrie eleison à la radio pour la dernière fois? Non, tu n’as pas dit Kelly Clarkson.

Ainsi, la version incluant les scènes coupées au montage final va comme suit (en tapant dans les mains, sur l’air d’Une colombe):

(20.8) Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. (Bon, on peut arrêter de taper dans les mains quelques secondes ici, il faut clarifier une chose. Plusieurs ont probablement froncé les sourcils en voyant «Souviens-toi» (Zakhor). Bien sûr, ce sont ceux qui préfèrent le Deutéronome à l’Exode, et qui s’attendaient à lire «Observe» ou «Garde» (Chamor). On prétend traditionnellement que les deux mots auraient été prononcés simultanément. Tu prétends plutôt que Moïse avait des problèmes d’audition ou que Dieu avait un rhume ce jour-là.)
(20.9) Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage.
(20.10) Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes.
(20.11) Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour; C’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié.


Enfin, tu trouves surtout dommage de ce point de vue-là que l’Éternel n’ait pas fait les cieux, la terre et la mer, et tous les accessoires et produits dérivés, en quatre jours pour se reposer pendant trois jours. Mais bon, à chacun son rythme.

Par contre, tu te méfies un peu de l’article 20.10, non pas que tu aies à te reprocher d’avoir fait travailler dernièrement ton bétail, un étranger qui est dans tes portes ou tes serviteurs un dimanche, mais tu n’es pas certain que de fermer les urgences le dimanche soit la meilleure des décisions à prendre. Et empêcher une vache de donner du lait un dimanche semble, mais tu es un profane, une tâche sensiblement ardue surtout si tu ne peux pas non plus faire l’ouvrage qui consiste à l’en empêcher.

La solution est pourtant simple, et la Commission Bouchard-Taylor arrivera vraisemblablement à la même conclusion: il suffit de demander à l’étranger de ne pas rester dans les portes, mais d’avancer de deux pas. «Ah! ben Survenant, c’est-y pas une bonne idée, ça? – Neveurmagne.»

Pendant ce temps, ce sera un moment génial pour appeler tes amis et sanctifier la Fête-Dieu ou quelque autre Épiphanie.

09 octobre 2007

2 – Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain

Avec un Dieu qui s’appelle YHWH, te dis-tu, c’est sûr que c’est un peu en vain que tu tenterais de prononcer Son nom. Mais enfin, comme tu aimes bien citer exactement, voici le deuxième commandement biblique dans toute sa splendeur, arborant un point-virgule des plus élégants:

(20.7) Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain.

Cet ordre qui semble avoir été rédigé dans un certain état de courroux est malheureusement un peu vague. L’explication qui te semble la plus logique, tu l’avoues, est parfaitement compréhensible: Dieu, à l’instar de bien des gens créés à Son image, est un type occupé. Et comme Il a créé une confrérie et une sainte Trinité, ça fait beaucoup de gens pouvant être interpellés pendant les réunions de coordination de projets. Ainsi, Il S’est dit que ça serait franchement embêtant si tous commençaient à L'apostropher tout le temps pour n’importe quoi, pas grand-chose et ah! finalement j’ai oublié, je rappellerai. Il fallait donc instaurer un système avec une bonne force coercitive, pas qu’un simple ONU avec recommandations suggestives à suivre pour ceux à qui ça tente, si ça leur adonne. Ce fut donc écrit: l’Éternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain.

En fait, tu médites parfois sur un tel commandement onusien: Tu n’auras pas d’armes nucléaires; car l’ONU ne laissera point impuni celui qui en aura.

Mais bon, de cette façon, Dieu est peut-être à l’abri de ceux qui L’invoque pour lui parler de la pluie et du beau temps: «Christ qu’il fait beau» et autres «Ostie, il pleut». Punition divine: paf! une tache de jus de raisin sur la chemise blanche, une maille dans le bas résille, un gouvernement conservateur. Toutefois, sa manière de déléguer est parfois un peu injuste. Tu considèreras ici l’exemple éloquent de saint Antoine de Padoue, qui se tape seul toutes les demandes relatives aux objets perdus. En fait, puisque c’est toujours intéressant de le souligner dans un souper, tu rappelleras que saint Antoine est invoqué pour retrouver les objets perdus à cause de l’anecdote classique concernant les commentaires qu’il avait écrits à propos des Psaumes. Un voleur les lui déroba un jour, mais se sentit par la suite divinement obligé de les lui rendre. Tous peuvent maintenant le dire à leur beau-frère, c’est vrai. Du moins, c’est la version officielle. Il y a aussi l’hypothèse farfelue selon laquelle ses commentaires étaient très ennuyeux et n’intéressaient pas du tout le voleur, qui préférait des choses insignifiantes comme des bijoux, de l’argent, du sucre à la crème ou même des cartes de hockey de Wayne Gretsky, bien qu’il conçût dans ce dernier cas que c’était temporellement impossible. Mais bon, toujours est-il que saint Antoine passe ses journées à entendre des «Saint Antoine, où sont mes clés? Où sont mes lunettes? Où est passé mon boa constrictor? Mais où est donc Carnior?» Et lui de son côté doit faire un suivi de dossiers, rappeler: «À côté de tes lunettes. T’as jamais eu de lunettes; de mémoire non plus d’ailleurs, je vais finir par bloquer ton numéro. Ce n’est pas ma spécialité, mais regarde dans la cage du canari, mais ne cherche plus le canari. Sûrement avec Carmen Sandiego, mais ne t’y arrête pas trop, ce n’est qu’un truc mnémotechnique.»

Il apparaît donc clairement que Dieu se moque un peu de saint Antoine de Padoue et que ce dernier n’est pas le genre de type qui lit bien ses contrats.

«Ah, au fait saint Antoine, où sont passés mes commentaires des Psaumes