29 septembre 2009

Hé, on a du courrier (traduction libre d’un langage inconnu)

Au printemps de 1972, l’homme, qui est un gars avec toutes sortes d’idées, a décidé de lancer deux trucs loin, loin dans l’espace, et même dans ce qui est juste derrière et qu’on ne voit pas. C’est ainsi qu’ont été envoyées au-delà des cumulus, du soleil et des affaires qui tournent autour les sondes spatiales Pioneer 10 et 11 (les neufs premières ayant subi des destins tragiques: le chien a mangé la 2; la 4 fut oubliée chez la grand-mère de Julie Couillard; la 9 fut camouflée dans un collier, lui-même lancé dans l’eau des années plus tard par une vieille survivante du Titanic).

L’autre, un ami de l’homme, qui a lui aussi de drôles d’idées, a décidé qu’il serait bon d’insérer une carte de visite, un faire-part terrien, une bouteille à l’espace. Carl Sagan, qui avait déjà fait une conférence en Crimée sur la communication avec des intelligences extraterrestres, un domaine pas très contingenté à Harvard à l’époque, a donc été approché. Mais pas Françoise, sa cousine éloignée, car sinon, bonjour tristesse, les extraterrestres auraient été déprimés. Il prend donc un peu d’aluminium et d’or, conçoit la plaque avec Frank Drake et laisse même sa femme Linda faire un dessin pour égayer les créatures qui n’ont pas le bonheur d’habiter le système solaire (un lieu qu’il faut avoir visité dans sa vie).

Voici donc la plaque qui est notre ambassadrice à l’étranger. Elle représente une scène très courante de la vie quotidienne dans le système solaire, soit lorsqu’un homme nu peigné sur le côté te salue stoïquement et qu’une femme nue se tient à ses côtés avec une main sur la cuisse.



Comme tu as probablement la chance d’habiter le système solaire, tu sais pertinemment tout ce que cette plaque signifie, mais tu me permettras quand même d’énoncer les lapalissades qui suivent pour les autres. Oui, le truc de base qui saute aux yeux, comme tu étais sur le point de le souligner, c’est le symbole en haut à gauche qui schématise la transition hyperfine de l’hydrogène, l’élément le plus abondant de l’univers. Forcément, la petite ligne verticale représente l’élément binaire unitaire qui permet, en considérant le spin de l’atome d’hydrogène, d’indiquer à la fois une unité de longueur (longueur d’onde de 21 centimètres ) et une unité de temps (fréquence de 1420 mégahertz), ce qui sert de mesure pour les autres symboles. Instantanément, tu réalises ainsi que la femme mesure 168 cm puisque sa taille est de huit fois la longueur d’onde de transition hyperfine de l’hydrogène. La sonde est montrée à l’arrière-plan dans la même échelle, car Linda n’était pas très bonne avec les perspectives. Les 15 lignes partant d’un même point indiquent les périodes de 14 pulsars avec leur distance relative par rapport au soleil (un superbe jeu éducatif) et la ligne horizontale représente la distance relative par rapport au centre de l’univers (le centre de l’univers était splendide à l’époque, mais aujourd’hui c’est devenu vraiment trop touristique). Enfin, le schéma du bas, c’est le système solaire avec les distances relatives bien indiquées. Et je vois mal comment il est possible de ne pas se rendre compte que l’échelle utilisée est celle du dixième de l’orbite de Mercure. Sinon, on remarque aussi que Linda, cette grande naïve, pensait que Pluton allait être une planète pour toujours; il faudra penser à envoyer une mise à jour.

Tout est donc très clair, mais des critiques qui infantilisent les extraterrestres ont rouspété et prétendu que ce n’était pas super simple à déchiffrer. Les critiques s’additionnèrent. Des puritains trempèrent leurs lèvres dans l’indignation: La NASA gaspille de l’argent pour des obscénités! Dessinez-leur des cardigans, juste ciel! Des féministes s’ébrouèrent la mise en pli: C’est ça, toujours l’homme qui a le premier rôle, c’est lui qui lève la main et la femme reste passive. Vous êtes tous des phallocrates, surtout toi, Linda! D’ailleurs, toujours des stéréotypes californiens, quelle image du corps de la femme ça envoie, hein? Des paranoïaques crurent qu’ils s’arrachèrent le poil des jambes: Bon, ça y est, les extraterrestres (qui ne sont pas tous fins, on le sait, nous) savent maintenant exactement où est la Terre !

Par contre, personne n’a encore signé d’accusé de réception et on attend toujours d’avoir des nouvelles par retour du courrier. À moins que ça ait atterri dans le courrier indésirable ou que ça moisisse à la poste restante.

Pour ceux qui aiment corroborer les choses, Ma Chouette loge au fond de cette ruelle…

18 septembre 2009

«Bienvenue à Enceinte à deux»

Un des désagréments majeurs de la grossesse réside dans le fait qu’il faille assister à des rencontres prénatales.

Là-bas, on fait monter les humains deux par deux, la salle est pleine, les formes féminines se portent de légèrement à très arrondies, c’est une ode au terreau fertile de la région qui produit à la tonne maïs et bébés. Nous voilà donc réunis, tous les couples présents, rassemblés par le fait que nous ayons à notre actif au moins une relation sexuelle non protégée au cours des six derniers mois (ou plus précisément, à tout le moins la partenaire fécondée du couple, ou peut-être pas, s’il s’agit d’une relation avec une seringue non érotisante; il y a des certitudes qui se perdent).

Jusque là, ça va, bien que je pressente l’apparition de revendeurs de places en garderie: «Hé psitt, man, pot, ecstasy, coke, places en garderie». Les chaises sont disposées en petits ronds et on reçoit l’autocollant Bonjour je m’appelle déjà rempli pour s’identifier le poitrail. Je ne réussis pas à m’empêcher de me tourner vers ma blonde: «Bonjour, euh… alors toi, tu bois depuis quand?» On participe néanmoins au classement des bedaines selon le nombre de semaines de gestation (tout le monde gagne) et on s’interroge courtoisement et intérieurement sur la relation qui unit les deux filles face à nous.

Au moment où on nous fait piger des objets dans une taie d’oreiller pour nous faire deviner dans un langage fleuri quels sont les services offerts au CLSC, j’ai un sourire qui n’indique peut-être pas la connivence la plus complète. Oh, mais que signifie la plaque de Lego avec des maisons? Montrez-la plus haut, s’il vous plaît. Tout le monde la voit? Quelqu’un a une idée? Oui, c’est pour vous rappeler qu’il y a toujours un CLSC près de chez vous. Une des animatrices parlait l’italique couramment (elle le tenait probablement de sa mère qui était italiquienne).

Jeu de la soirée: trouver le couple qui nous tombe le plus sur les nerfs. J’opte très rapidement pour les deux qui se font continuellement des petits câlins à l’avant. Plus tard, au cours de la révélatrice activité Quels sont les changements dans notre vie et quelles sont mes attentes, point d’interrogation?, le groupe est divisé dans la salle, messieurs ici et mesdames là. Eux continuent de se faire des petits saluts tout le long de l’activité. Oh, mais où es-tu, ah, juste de l’autre côté, salut, salut, c’est moi, ah, tu me salues aussi, comme c’est coquin. J’entérine mon choix, pendant que le gars à ma gauche explique à celui qui a reçu la feuille pour noter les réponses (évidemment, celui qui porte des lunettes) qu’il s’inquiète d’avoir moins de temps pour jouer au golf. Il cherche une épaule pour déverser ses émotions masculines, un tee psychologique pour son désolant désarroi sportif que j’aurais plutôt eu le goût de driver très loin dans une trappe de sable (mouvant), dussé-je m’y prendre avec un bâton non approprié pour le coup, qui ne soit pas en titane léger platiné ou comme l’autre qu’il vient sûrement d’acheter, qui coûte plus cher et qui est beaucoup mieux.

Mais sinon, c’est vraiment pertinent comme soirée, j’ai appris que le brocoli et les oméga-3 sont bons pour la santé. Faites circuler l'information.