10 décembre 2009

Ma vie en catastrophscope

Oui, je sais, comme tout le monde… mais après. Pour les tentacules, pour le jeu, pour le portait social instantané. Parce que j’ai toujours aimé l’effet du microscopique juste à côté, sur la voie de service du macroscopique

6 décembre 1989 – Je trouve Cynthia très belle. Elle ne le sait pas. Je ne suis même pas assis à côté d’elle. Le monde est injuste, je le sens. Dominic copie sur mon examen de maths. J’ai écrit 3 au lieu de 6, et je corrigerai tantôt. Je suis fourbe. Dominic, je te l’apprends, le monde est injuste. (Mais pas trop. Avec le recul, je crois que Cynthia est un peu sotte.)

11 septembre 2001 – J’ai une chambre sur le campus. Je me lève à défaut de me réveiller, passe sous la douche, vais en classe (je suis habillé: parfait, les automatismes fonctionnent). Cours banal, je note, je souligne, ça ira. Le cours prend fin, je salue des amis et je suis le premier parti. J’ignore ce que j’ai fait hier, mais il me manque trois heures de sommeil pour être sociable aujourd’hui, je vais tenter de remédier à la situation. À travers les vitres, je vois des étudiants que je ne connais pas qui regardent des tours tomber sur un écran d’ordinateur. Il y a aussi des avions. Ridicule. Ah moi, les films catastrophes… Je passe mon chemin. Celle qui deviendra ma blonde incessamment vient souper. Dans la cuisine commune étrangement vide, pendant notre souper spaghetti quasi-romantique, un gars de la radio étudiante débarque: vox pop, on pense quoi des attentats contre le World Trade Center? Euh, c’était en 1993, hein (et que fais-tu dans mon souper)? Ma blonde à venir me regarde drôlement: quoi, tu sais pas? Le monde est injuste. Et l’injustice est apatride. Nous n’y voyons pas un vaste complot mondial. C’est l’amour au temps des attentats.

9 décembre 2009 (qui n’est pas un jour de catastrophe officiel approuvé par Céline Galipeau)(la neige ne suffit pas) – Nous avons opté pour le vert pâle; on vit dangereusement, mais bon choix finalement, on aime celui-là. Ma blonde a six mois de bedaine dans le corps. Une couchette a été achetée et assemblée après une chasse en bonne et due forme sur LesPAC. Quelqu’un va venir poser un point de bascule dans ma vie dans quelques mois, et ça ira. Le monde ne peut pas toujours être injuste. Le monde est prosaïque aussi, souvent. Il faut que je pose mes pneus d’hiver et que je me fasse vacciner (car même si je n’ai pas encore eu le cours prénatal pour me l’apprendre, il y a une grippe méchante qui fait fureur ces temps-ci, un peu partout où on trouve des humains avec une gorge et des organes respiratoires, des forêts de Shanghai à l’Irlande).

02 décembre 2009

Paul, un morse, des jolis blanchons (ou Découvrir un texte dans le fond d’un fichier)

L’actualité, c’est très important dans un blogue. Parlons donc du spectacle de Paul sur les Plaines, qui vient tout juste de s’achever, l’été passé.

Étant donné que Margaret Thatcher a un peu tendance à oublier les paroles de Hey Jude puis que Wolfe ne chante plus très bien (entre autres raisons parce qu’il est asthmatique et mort), je dois dire que j’étais assez heureux que ce soit Paul que les Britanniques envoient à Québec finalement. Précision au départ: pour ce point, je suis un anachronisme musical, j’ai plus écouté les Beatles que mes parents ont dû les écouter.

En optant pour le talus de la Citadelle, en arrière du fond, en haut complètement, debout sur le deuxième barreau de la clôture, en regardant l’écran à travers les arbres tout en refusant les offres d’emploi pour le Cirque du Soleil, j’ai réussi à éviter l’attente compactée sur la Grande-Allée et le piétinement subséquent. Pour ce qui est de Pascale Picard par contre, non, je n’ai pas réussi à m’en sortir, j’ai dû tout affronter. Il demeure tout de même que parmi mes soirées complètes passées juché en équilibre sur une clôture de métal (à côté, entre autres, de deux hippies inconnus des Pays-Bas), celle-ci arrive en tête.

Oui, mais Paul, tu sais, les phoques, argua-t-on. Pour vrai, tiens, j’ignorais, il faut dire qu’on en a si peu parlé, inférai-je.

Pourtant, tout’ étant dans tout’, tout s’explique, et c’est même très documenté comme comportement. Voilà, Paul se porte à la défense des phoques, non pas parce qu’il n’y connaît rien, mais parce qu’il se considère comme un morse, et que certains morses peuvent exceptionnellement tuer et manger des phoques, comme le démontre le documentaire allemand de Sigurd Tesche produit en 2005. Oui, Paul est comme ça, il craint la famine de façon insolite et anthropomorphique.

L’énoncé de base est dans la chanson I am the Walrus. Oui, souviens-toi: «I am the Walrus/Goo-goo goo-joo», clame-t-il. Il y a donc clairement une association marquée. Paul est habillé en morse sur le dessus du Magical Mystery Tour, ce qui est également une prise de position forte. Il se prend aussi pour l’homme à œufs, mais ça ne lui enlève rien. Un homme peut aimer la variété.

Bien sûr, tu me diras que John Lennon, ce taquin, a mêlé quelques personnes en choisissant le costume de morse pour la vidéo de la chanson, alors que Paul apparaît en hippopotame. Certains ont donc pu croire que John était le morse.

Mais ceci n’a aucun sens. Pourquoi Paul serait-il contre la chasse aux phoques s’il était un hippopotame? Paul n’est pas un hippopotame. Voyons, ça se saurait. La pochette de disque prime sur le vidéoclip, c’est une convention connue.

John a donc restitué les faits. Sur le White Album, dans la chanson Glass Onion, on entend John chanter: «Here’s another clue for you all, the walrus was Paul».

Voilà.