23 février 2010

Un peu plus haut, un peu plus gros

Dans le monde antique, comme les distances à parcourir pour changer son statut à la face du monde étaient grandes et qu’on finit tous par se lasser de réaliser des céramiques attiques à figures rouges ou noires (avec ou sans Unchained Melody en trame de fond), un ancêtre grec de Jean Drapeau a décidé qu’on allait construire quelques affaires un peu plus grandes que d’habitude. L’idée avait déjà eu un franc succès autour de la Méditerranée, et les constructions progressèrent. Des gens qui aimaient beaucoup les listes (les ancêtres grecs de Marie-France Bazzo et d’Umberto Eco) statuèrent qu’il y avait sept affaires assez grosses qui impressionnaient beaucoup les voisins. Les sept grosses affaires qui impressionnaient beaucoup les gens, qu’on appellera merveilles du monde par souci de simplification, auraient donc été construites de -2650 à -390, quelques années où ça allait plutôt bien pour les Travaux publics.

Curieusement, cinq merveilles sur sept appartiennent au monde hellénique, donc en lien avec la chanson de Roch Voisine qui se passe sur la plage les pieds dans l'eau. Or, le vote a peut-être été un peu biaisé; il y a peut-être eu collusion au royaume du souvlaki. D’ailleurs, aucune information claire sur le mode de compilation des votes ne subsiste. Omar Bongo a-t-il eu voix au chapitre? C’était un vote de l’Académie des maçons? Il fallait remplir des coupons de participation au restaurant de gyros du coin? Il fallait composer un numéro, payer des frais, espérer avoir une ligne chanceuse? Y avait-il une animatrice de foule dans une arène: «J’en vois 3, je cherche, appelez, approchez-vous des bas-reliefs, cherchez vous aussi, parlez-en en famille, appelez, ah, c’est pas évident, hein...»?

Mais bon, merveilles du monde, c’est quand même un peu fort. D’ailleurs, la plupart ne respectent pas le code du bâtiment: aucun accès pour les fauteuils roulant, pas de mains courantes, aucune indication pour les sorties d’urgence. Admettons que les Anciens étaient probablement des gens très gentils, mais à l’évidence, ils bâclaient leur travail.

Donc, pour toi qui prépares tes auditions pour un jeu questionnaire à la télé, voici les lauréats du concours:

La pyramide de Khéops
Les jardins suspendus de Babylone
Le temple d’Artémis à Éphèse
La statue de Zeus à Olympie
Le mausolée d’Halicarnasse
Le colosse de Rhodes
Le phare d’Alexandrie

Par contre, pour ton jeu, note que les questions peuvent être autrement plus corsées. Parfois, on va jusqu’à demander de choisir entre un œuf et une enveloppe, ou alors il faut être très, très fort en mathématiques et choisir des valises qui portent des numéros (oui, des chiffres partout, un jeu pour les génies, je te dis). Non, ce n’est pas fait pour tout le monde. Beaucoup d’appelés, peu d’élus.

08 février 2010

Aladin, la peau de chagrin, et le monsieur qui a souhaité que les saucisses collent sur le nez de sa femme

Je comprends le principe; il faut jouer à faire comme si, accepter et c’est tout, sinon il n’y a plus d’histoire ou la blague ne tient plus. Je sais. Mais ça m’a toujours agacé.

Enfin, je ne veux pas bousiller les règles, semer la pagaille et récolter ce qui pousse lorsque la pagaille est plantée dans un terreau fertile, mais il me semble qu’il s’agit de règles particulièrement faciles à contourner.

Étude de cas numéro 1: tu es un pauvre va-nu-pied moyen-oriental au cœur tendre et pur comme le diamant brut (si ta mère le dit) et tu trouves une vieille lampe. Tu la trouves un peu sale sur le coin, là, voyons donc. Tu frottes et pouf! tu ne croiras jamais ça, mais un génie sort. Tu as trois vœux, qu’il te dit. Seulement trois petites clauses d’exclusion au mandat: il ne peut tuer personne, faire tomber une personne amoureuse d’une autre ou ressusciter les morts (car c’est dégoûtant).

Étude de cas numéro 2: pauvre toi, on ne choisit pas son destin, te voilà pris dans un roman de Balzac. Faustien dans l’âme, tu échanges celle-ci (je te comprends, une âme, à quoi ça sert au final?) contre une peau de chagrin qui exaucera tes désirs en rapetissant à chaque coup. Quand elle aura disparu, tu ne seras plus. N’empêche, à ce moment, on sera content d’avoir fini le livre.

Étude de cas numéro 3: tu es dans une histoire sans fin dont, hormis le titre, j’ai à peu près tout oublié des grandes lignes du scénario sans fin. Grosso modo, tu fais des vœux et tu perds un souvenir à chaque fois. Au temps t = infini moins 4 de l’histoire, il y a de la musique prenante et je crois qu’on t’incite à faire un souhait qui risque d’effacer le souvenir de ta mère.

Étude de cas numéro 4: tu es dans un conte qui me fascinait plus jeune, et je dois dire que tu as une drôle de femme (tu es assez idiot toi-même d’ailleurs, tu verras). Un poisson magique ou quelque autre truc du genre te dit que tu peux faire trois vœux, car c’est ça le standard. Ta femme est super heureuse, elle hésite puis, euh, elle dit qu’elle voudrait des saucisses, elle aime bien les saucisses. Pouf! des saucisses! Tu te mets en furie. Quoi? Des saucisses! Oh mon innocente, je voudrais bien que ces saucisses te collent au nez. Pouf! les saucisses collent au nez de l’innocente personne aux goûts simples. Elle tire, tu tires, vous tirez. Rien à faire, des saucisses, ça colle très bien au nez des innocentes lorsqu’on l’a souhaité. Alors tout piteux, vous faites votre dernier vœu: ouais, c’est bon, on veut que les saucisses décollent.

Étude de cas numéro 5: une fois c’est toi, comprends-tu, et tu es un Newfie, une blonde ou un Belge (tu sais dans ce cas que tu n’es pas dans une blague locale, c’est de l’importation). Tu es dans le désert, sur une île déserte ou au terrain de golf, avec un Américain, un Anglais et un Français, mais bref, ça arrive toujours tout simplement, on t’accorde ou on vous accorde trois vœux.

Donc, je dois être un rebelle du souhait dans l’âme (que je n’ai pas encore vendue, faudra voir sur e-bay), mais il me semble que ça ne prend pas la tête de la rue Papineau pour faire le souhait d’avoir plus que trois souhaits, pour désirer l’agrandissement de la peau de chagrin ou pour demander de retrouver tous ses souvenirs.

Mais bon, c’est souvent complexe avec les concepts irréels; ils sont sous-tendus par une infinité de règles non existantes particulièrement strictes.