31 octobre 2006

À la table d'à côté

La table était pleine de petites et de grosses (reposez cet objet contondant, je parle de billard) qui hésitaient à chacun de mes coups. Elles ignoraient si elles allaient aller nulle part ou n’importe où. À vrai dire, je l’ignorais également. Je donnais mon coup, la blanche allait se cogner contre quelques surfaces, et la vie allait de l’avant.

Au comptoir, une femme s’agitait frénétiquement. L’objet de ses récriminations (et de ses désirs tout à la fois) siégeait non loin de là: une belle, grosse et rutilante machine de vidéo poker. Elle insistait, la madame. Elle voulait son argent; elle voulait voir le gérant; elle ne voulait pas perdre sa place. Elle s’énervait, la madame. Elle pataugeait dans le pathétisme et surnageait avec lourdeur. «Si c’était (imaginez une autre conjugaison à l’oral) Unetelle la serveuse, elle me le donnerait, elle. Elle me connaît, je te le dis.»

Son désespoir était bien assez dense pour expliquer les déviations étranges dans la trajectoire de mes coups.

Moi, par contre, je n’ai perdu qu’une partie de billard.

Aucun commentaire: