01 décembre 2005

Je l’aurai, mon précieux, précieux…

Les enchères finissaient à 22h. Tel un boxeur se préparant pour un combat ultime, extrême et violent à souhait, je ressentais le frétillement spirituel (pourquoi pas?) en moi. Ce combat ne pouvait avoir qu’une seule issue : ma victoire écrasante dans une surenchère de jetons misés dans les dernières minutes. Stratégie fort avisée, admirablement bien préparée. Je parvins pourtant à réfréner toute cette passion la journée durant, et à cacher ma fébrilité latente à l’ouvrage. Au souper, ma blonde ne se laissa tout de même pas berner par mon flegme feint. Elle savait... sa manière d’enrouler les spaghettis avec sa fourchette ne laissait aucune place au doute. Le gars engagé pour faire de la musique d’ambiance, caché dans le four, continuait de jouer des notes graves.

Toute ma stratégie avait été élaborée à l’avance, mais je dus changer mon plan de match, réalisant tout juste avant de souper que la fin des enchères n’était pas à 20h mais à 22h. Que de bouleversements inédits! Je n’allais pas laisser ce détail ruiner ma préparation mentale. (François, un exemple de force à puiser en soi...)

Profitant de cette trêve avant le moment intense, moi, l’homme de la maison, suggéra à la femme de la maison de nous précipiter au Canadian Tire, et d’en profiter pour acheter 3,78 litres de peinture latex. Pas n’importe laquelle, oh non! Après un débat long et périlleux, nous avions formé quorum et décidé que notre choix se portait sur l’échantillon qui portait le très intuitif et évocateur nom de couleur : « urbain ». Nous avions rapidement sollicité l’avis du meuble qui porterait la couche de peinture, ainsi que celui des plinthes, et tous saluaient notre belle unanimité. Rendus au Canadian Tire, nous ne perdîmes même pas de temps à caresser des perceuses électriques dans nos bras, nous nous dirigeâmes immédiatement au comptoir de la peinture avec une allure décidée. Nous prîmes l’échantillon, et forçâmes le commis à nous brasser une pinte de cette mixture divine. Il nous suggéra le fini coquille d’œuf, et nous acquiesçâmes pour ne pas le vexer. Le fini coquille d’œuf semblait l’emballer au plus haut point et il aurait été malvenu de briser sa belle joie.

La fébrilité des enchères s’emparait toujours de moi. Profitant de ma grande vulnérabilité, ma blonde m’entraîna dans un magasin et je me vis contraint d’acheter un pantalon et une chemise, sous prétexte que c’était bientôt les fêtes, que j’en avais besoin, que ça me faisait bien, que c’était pas cher, et beau, et que ça me faisait des belles fesses... Bref, parce qu’elle en avait décidé ainsi. Dans ma grande magnanimité, je lui concédai cette petite victoire.

Ce fut ensuite le retour au bercail. Le dernier épisode des Invincibles (série plutôt amusante, que j’ai bien appréciée cet automne) venait de débuter sur notre vieux téléviseur de la Grèce Antique. Je m’efforçai de finir la couche d’apprêt sur les deux bibliothèques de simili-mélamine usée, que nous sauvions d’une mort certaine.

Puis il fut 21h45. Le combat allait commencer. Je misais, dégringolais de la liste des gagnants et remisais. J’écoutais deux minutes des Invincibles; donnais deux coups de rouleau; retournais à l’ordinateur; espérais qu’il ne plante pas et qu’Internet soit coopératif. Frénétiquement, je répétais le tout en augmentant la cadence; cliquais sur l’icône d’actualisation de page comme jamais auparavant. Le moment était décisif! À 21h59, c’était le tout pour le tout; je haussai la mise et l’enregistrai. L’arrivée de 22h mit fin aux enchères. Ça y était, c’était fini, tout était pour le mieux.

Carlos des Invincibles n’épousait pas Line-la-pas-fine et s’en allait heureux dans l’allée de l’église. Et moi, je goûtais ma victoire. Mes adversaires étaient K.O. J’étais parmi les trois vainqueur.

Il sera à moi, le précieux, précieux coffret DVD du Cœur a ses raisons!

Aucun commentaire: