19 octobre 2010

Appartement 3

Mme Robitaille était notre voisine de palier. Elle arborait la jaquette fleurie colorée en tout temps, les lunettes épaisses qui lui donnaient un air perpétuellement étonné, les cheveux courts et gris qui subissaient l’abus de bigoudis. Elle gardait le phare, une cigarette jamais loin, l’œil sur le judas de sa porte, avec vue directe sur la porte principale et sur toute activité susceptible de s’y produire, vraiment toute activité, n’importe laquelle: ah, le facteur qui passe, de l’action! Elle nous avait pris en amitié, ce qui avait possiblement fait doubler l’étendue de son réseau social.

Elle avait une vieille voiture dont on pouvait deviner qu’elle avait un jour été bleue. Penser qu’elle avait un jour été récente demandait un trop grand effort d’imagination. Le fait que, régulièrement, cette voiture démarre, que Mme Robitaille puisse aller faire quelques emplettes, et que toutes deux en reviennent ensemble dans leur état initial, usagé mais fonctionnel, toussotant en harmonie, l’une ses caillots dans le carburateur et l’autre la suie qui lui tapissait les poumons, ça forçait à croire aux miracles de la mécanique. Celle de la tôle comme celle de l’humain.

Elle disait toujours le nom de ma blonde en version anglaise, et je devais me retenir pour ne pas sourire. Elle nous avait même préparé de la soupe une fois. Je ne me rappelle plus trop pour quelle raison (un rabais sur les rutabagas, va savoir), mais probablement pour jaser un brin le temps qu’elle nous la donnait. En comptant aussi sur la jasette à venir quand on allait lui redonner son pot.

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