08 novembre 2007

7 – Tu ne voleras pas

En fait, selon le procès-verbal, Dieu avait initialement dit:

(20.15) Tu ne déroberas point.

Tu considères que c’était plutôt clair, mais tu conçois que la formulation ait été changée, car quelqu’un aurait toujours pu croire que le commandement spécifiait qu’il était interdit d’enlever des robes, ce qui, tu l’avoues d’emblée, aurait été bien dommage. Mais tu admets bien qu’il ne faut jamais rien tenir pour acquis lorsqu’il est question de compréhension, et tu te le répètes encore plus depuis que tu as entendu un jour un commentateur à la radio ou à la télévision affirmer: «La police recherche toujours le ou la sassin

Bien sûr, il s’en trouvera toujours pour dire que le commandement fait peut-être référence au mode de locomotion par voie aérienne, et que Dieu prend tout le monde pour de stupides Icare potentiels. Dans ce cas, ce commandement démontrerait plutôt un interventionnisme protectionniste visant à éviter que le peuple élu se casse la gueule inutilement: l’équivalent du «Ne pas repasser le linge sur soi» de l’Ancien Testament. Alors, lorsque Moïse fut redescendu, les parents soulagés ont pu commencer à dire à leur rejeton turbulent: «Non, n’essaie pas de voler avec ta doudou, ça va à l’encontre du septième commandement» au lieu de: «Non, si tu te casses la gueule, c’est pas couvert par l’assurance-maladie. Et écoute-moi chenapan, sinon pas de Terre Promise.» Mais bon, Dieu n’avait pas compté sur l’intérêt des hommes pour les lois de la thermodynamique, la mécanique des fluides aériens et la convection en tout genre; intérêt qui a mené non seulement à l’invention de la vertisserie 2000 qui permet de faire cuire un poulet entier empalé verticalement en gardant toute la saveur à l’intérieur du poulet et le gras dans un joli tiroir facilement lavable, mais qui a mené également (pour ceux qui se rappellent du sujet: intérêt) à la naissance de l’aviation.

Mais bon, tu peux bien retomber sur terre, c’est de l’emprunt non autorisé et à trop long terme du bien d’autrui qu’il est question ici. Et ça tombe bien, car tu n’as volé ni bonbons, ni vertisseries, ni bons d’épargne du Canada, ni opinions politiques de bulletins de nouvelles. En fait, pour les quelques élastiques et trombones que tu n’aurais peut-être pas remis, il faudra que tu continues de chercher une clause dérogatoire, mais il est vrai que tu n’as pas épluché tout le Pentateuque.

Nonobstant tout cela, il peut arriver qu’un non croyant vienne exercer la violation de ce commandement dans le confort de ta salle de séjour (où il ne trouvera pas grand-chose de plus intéressant que dans la cuisine, sauf pour qui cherche un pilon à patates ou du concentré de bouillon de poulet, mais celui qui cherche une vertisserie sera amèrement déçu) et il faut espérer ardemment que cet ouvrage ne se fasse pas durant le jour du repos. L’aspect contrariant est indéniable, puis à cela s’ajoute la pénible tâche d’appeler l’assureur ou saint Antoine de Padoue, bien que d’après les dernières nouvelles, ce dernier soit encore accaparé par madame Dupuis à propos de son chat répondant (parfois) au doux nom de Timine, aimant le bœuf braisé sans échalotes et ayant la particularité, non seulement d’être gris la nuit, mais aussi de courir incessamment sur les parquets vernis avec une préférence marquée pour les longs corridors.

Et entre l’assureur et saint Antoine, il paraît que saint Antoine est plus conciliant, mais qu’il n’a pas de boîte vocale.

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