26 avril 2010

2 – Les jardins suspendus de Babylone

Il y a quelques années, circa sixième siècle avant le voyage de noce de Marie et de Joseph, il y avait pas mal de gens à Babylone. Avec tout ce marbre, ce pavé uni, cette pierre, ce bruit incessant des gens qui marchent dehors en sandales, ces nids de gallinacés que personne jamais ne réparait, cette absence de déneigement l’hiver, ces gens isolés dans leur tour de Babel, ouf, tu n’aurais peut-être pas aimé ça. Il y avait beaucoup de solitude dans la foule, comme le disait Luck Mervil, un aède de l’époque.

Un jour où il y eut un grand épisode de smog, (tous ces gens qui respiraient en même temps dans des langues différentes), un partisan de Greenpeace décida de mettre en œuvre un projet de toit vert et de parc public. Ainsi naquit l’idée d’un grand espace où les gens pourraient fuir un peu toute cette urbanité et venir célébrer ensemble leur amour des géraniums en faisant paître leur brebis non égarée extérieure. Mais là encore, ce n’est pas très clair, il paraît que c’était peut-être un jardin d’agrément pour une princesse, bien qu’il me semble que c’est là mal connaître les princesses. Pur journalisme d’enquête: selon les livres de référence, des sources fiables et leurs fiches sur réseau contact, les princesses préfèrent évidemment les bals dansants, les souliers et les robes, les belles-mères pas trop méchantes, les princes charmants (ou riches et beaux, ça fait aussi) et le plaisir d’échanger des remarques désobligeantes et mesquines dans le dos de leurs rivales. Le jardin d’agrément dans ces sources? Jamais mentionné!

En fait, il y a beaucoup de tergiversations, parce que rien n’est très clair par rapport aux jardins suspendus de Babylone. Il paraît que c’était bien beau, bien impressionnant, et c’est à peu près tout ce qu’on en a gardé comme souvenir, mis à part un bas-relief. Mais qui sait si ce n’était pas simplement la proposition d’avant-projet? Encore aujourd’hui, chaque fois que quelqu’un déterre un bout de colonne, qu’elle soit vertébrale ou dorique, l’interrogation revient: ah, mais seraient-ce les jardins suspendus de Babylone? On déterre un os d’un quelconque poulet jurassique, même si c’est en Alberta: oh, peut-être y avait-il une rôtisserie sur les jardins suspendus de Babylone?

D’ailleurs, comme la réalité historique des jardins suspendus demeure improuvable, je pense qu’il n’est pas exclu qu’ils aient donné lieu à la genèse de la fable des habits neufs de l’empereur: vous savez, seuls les gens vraiment intelligents et branchés peuvent voir ces magnifiques jardins suspendus.

Ah, où ça?

Mais juste là.

Hein? Oh oh, je veux dire, bien oui toi, dis donc, ah, ouf, wow, y’a pas de mots, une merveille hein, que c’est beau! Crois-moi, j’en parle à tout le monde au bureau lundi.


C’est l’objet d’une autre thèse, mais les gens en général, et en particulier les gens qui fabriquent de l’estrogène, auraient gardé ces réflexes d’émerveillement séculaires afin de les utiliser pour les feux d’artifice et pour la fin des émissions où on décore leur chambre ou leur salle de lavage pendant que ces gens sont au spa.

Note: Le dessin proviendrait d’un dessinateur babylonien de l’époque, passionné de fougères et d’informatique, qui avait son propre site Internet.

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