19 septembre 2007

Quatre-vingt-dix-neuf ans de solitude (Les Grands Dossiers historiques)

Il faut le dire tout de suite: la Citadelle de Kowloon est une saga. En fait, Kowloon est clairement le Macondo de Márquez. Mais par considération pour les normes établies, tu résumeras quand même en moins de 437 pages.

Bien avant le début d’American Idol, pendant la dynastie Song, fut fondée une bourgade sympathiquement appelée Kowloon (Brossard, en mandarin) où il faisait bon surveiller les pirates. Mais entre deux abordages, il faisait bon également gérer la production de sel; ce que tout observateur de pirates aime bien faire dans ses temps libres. Et entre deux salaisons, ils en profitaient pour fortifier la place.

Malgré ton intérêt vorace et inassouvi pour la gestion du sel en territoire chinois, il est temps de passer aux choses sérieuses. Passons donc à ce jour ensoleillé avec passages nuageux de 1842 où fut brandi le Traité de Nankin, qui avait peut-être principalement pour but de légiférer sur la composition de la sauce soya, mais qui entre autres détails cédait l’île de Hong Kong à la Grande-Bretagne. Cela n’est évidemment pas un cadeau à dédaigner pour qui aime bien les îles, et la Grande-Bretagne se sentait un peu comme Sancho qui aurait finalement reçu l’archipel promis par Don Quichotte. Les autorités chinoises se dirent alors que la Citadelle de Kowloon serait une bonne place pour caser un poste militaire et administratif et contrebalancer l’influence des Britanniques dans la région. Tu le comprends, la principale crainte floue des Chinois, c’était effectivement les Spice Girls.

Après un plaisant souper, en 1898, la Convention pour l’extension du territoire de Hong Kong est signée: Hong Kong est donc remis avec tout le flafla, pour un bail de 99 ans, à la Grande-Bretagne, toujours à l’exception de la cité enclavée de Kowloon. Tout le monde était heureux, tellement que quelqu’un finit par dire: «Ah! et puis c’est juste officieux, mais vous pouvez même garder des troupes à l’intérieur de la citadelle, tant qu’il n’y a pas d’interférence.»

Mais comme ce flegmatique et au demeurant charmant Britannique avait beaucoup trop bu, il oublia et la Citadelle de Kowloon fut attaquée en 1899. Ce fut alors une bonne blague parce que la citadelle avait pratiquement été abandonnée, alors les Britanniques purent se remettre à jouer au polo sans soucis et la petite enclave se développa tranquillement.

Les Britanniques jouèrent longtemps au polo, puis un jour de Seconde Guerre mondiale, l’armée japonaise attaqua Kowloon Harbor, chassa les résidents et démolit les forteresses pour construire un aéroport à proximité.

En épilogue, après que le Japon eut capitulé, Kowloon devint une sorte de ghetto labyrinthique monolithe où les masses humaines et pierreuses s’accumulaient les unes sur les autres dans une décadence toute babylonienne. Mais à la fin, au lieu de la colère linguistique de Dieu en bonne et due forme, le gouvernement en place transforma plutôt la cité en parc. Autres temps, autres moeurs.

C’était évidemment une bonne chose pour le polo, mais les Britanniques arrivaient à la fin de leur bail et devaient quand même se trouver un autre quatre et demi.

Le lecteur incrédule peut maintenant se diriger vers Wikipédia, mais il n’y a pas de garantie sur le plaisir qu’il pourra en tirer.

5 commentaires:

Benoît a dit...

Ta version est beaucoup plus éclairante que celle de Wikipedia.

Westmount et forteresse de Kowloon, même combat?

Anonyme a dit...

Tu l'as fait! Bravo! Et merci. Merci, parce que tu as résumé toute la partie qui m'avait rebuté, que j'avais peut-être lue, mais dont je ne conservais aucun souvenir. Maintenant, comme oublier l'histoire de Kowloon avec des belles images comme le Polo et les Spice Girls comme autant de petits cailloux blancs.

Quelle sera la prochaine curiosité de ton cabinet ? Te relancera-t-on un défi?

François a dit...

Merci Benoît, tu as évidemment compris mon dessein d’éclaireur. Et pour le combat, qui sait si l’absence de murs fortifiés est liée à la construction de l’aéroport de Dorval? Mais bon, reste à voir si Westmount deviendra un monolithe urbain et ensuite un parc.

Oui Bernard, mais quel défi quand même: cette entrée Wikipédia est particulièrement rebutante et on ne parle pas exactement d’une petite anecdote facilement résumable. Mais si les Spice Girls peuvent servir de cailloux blancs, je suis bien heureux d’avoir enfin pu leur trouver une utilité. Mais la question demeure: comment as-tu puisé ce sujet?

Pour les prochains projets, je m’étais mis en tête d’obliquer éventuellement vers les dix commandements. Mais bon, je ne ferme pas la porte aux défis.

P.-S. – Par ailleurs, juste comme ça à propos du titre, vous y avez échappé de justesse, Le Kowloon triste m’est venu en tête trop tard.

Anonyme a dit...

Où ai-je puisé ce sujet? Rien de transcendant : une amie m'a fait parvenir le lien, sachant que cela me fascinerait. Nous avons versé ensemble de chaudes larmes sur cette expérience unique d'urbanisme que l'on a démolie pour faire place à un banal parc historique comme il s'en trouve des milliers dans le monde.

Prochain défi, entre deux commandements, après, avant (on peut antidater des billets), seulement si le sujet t'intéresse, une autre bizarrerie de ce monde, mais bien plus connue que Kowloon cette fois : Sealand, son histoire, sa monnaie, ses timbres, sa famille royale, ses prétentions territoriales, son combat pour être reconnu par les autres nations : http://en.wikipedia.org/wiki/Principality_of_Sealand

François a dit...

Bernard, c'est noté pour Sealand. Je ne sais pas pour quand, mais j'aime effectivement le sujet.