31 mai 2007

Les Bourgeois

Il y a, relativement près du bureau où tu vends ton corps ou ton esprit, à une distance qui serait indécente si elle était moindre, une vieille maison aux allures victoriennes qui fait office de taverne attitrée les soirs où le désir de libation (et on fait aussi dans la légèreté, il le faut) devient besoin, qui lui devient parfois nécessité.

À vrai dire, chaque fois, tu t’y sens un peu comme dans une chanson de Brel. La grosse Adrienne de Montalan s’appelle Lynda et connaît de toi l’essentiel: ton nom et ce que tu bois (ce qu’elle appelle une belle grande rousse et ce qu’elle était jadis, probablement). D’autre part, le lieu est également le repaire, entre autres, de maître Jojo et de maître Pierre, une sorte d’hôtel des Trois Faisans. Une armoire antique traîne dans le coin, Verdi et Puccini sont embossés au mur, le Titanic est laqué sur une toile ennuagée, et un vieil écran niché sous les moulures du plafond projette une partie de hockey ou de golf au gré de la programmation. Si tu y parles parfois de toi, les discours sur Voltaire se font rares et tu évites de te prendre pour Casanova (car bon, il y a une femme de la maison à la maison).
Puis, plus ou moins tardivement, en poussant la porte de sortie et en saluant Lynda, tu ne peux t’empêcher de te demander si tu seras celui qui montrera son cul et ses bonnes manières ou celui qui s’en plaindra au commissaire, en sifflotant presque:

Les bourgeois, c’est comme les cochons
Plus ça vieillit, et plus ça devient bête.

4 commentaires:

Galad a dit...

Moi j'opterais pour le cul.

Mais bon, c'est personnel..

François a dit...

Galad, je ne suis pas trop du genre à me plaindre au commissaire, alors bon, si jamais le choix était vraiment requis, ce serait probablement le même que le tien… Mais j’admire l’absence totale de dilemme que ça semble créer pour toi, ce qui me porte à me questionner : serais-tu donc une habituée de la fesse montrée, si je peux me permettre ce sobre euphémisme en guise de question embarrassante? (À prendre avec un sourire narquois et une pinte de rousse, s’il s’avère nécessaire de le spécifier.)

Galad a dit...

Je troque la pinte de rousse contre un ballon de brandy, mais je conserve le cul au détriment du commissaire.

Quant au sourire, impossible de m'en départir à la lecture de ce court billet...

François a dit...

Ah! ce sourire est peut-être dû au ballon de brandy, justement...

Adjugé, donc: Le cul mène, bien loin devant le commissaire! Alléluia!