18 mai 2007

Corde à linge en folie

Depuis deux semaines, la joie et la couleur sont de retour à Banlieueville. La joie sent le barbecue, et la couleur, ne le cachons pas, c’est le vert gazon (et ton terrain ajoute une touche massive et euphorisante de jaune pissenlit).

Depuis deux semaines donc, après le travail et le souper, tu t’attendrissais presque devant le spectacle des bourgeons qui verdissaient le boisée derrière chez toi, dans la clarté tamisée du crépuscule, avec le chant des oiseaux, et, dusses-tu passer pour un parfait naïf sentimental, tu trouvais que la nature était impressionnante, que c’était apaisant et vivifiant. Un exemple de force tranquille et autres banalités éculées. Vivaldi entamait le mouvement de son concerto le plus susceptible de faire vendre des saucisses à hot dogs.

«Quelle belle invention, la nature», te persuadais-tu. Eh bien, non, c’est une sale hypocrite!

Te voilà donc dans une scène fortement éclairée, à l’extérieur. Tu viens de finir de tondre tes pissenlits (les voisins cesseront alors de t’envoyer des têtes de cheval mort), et tu ne prends même pas le temps de siroter un jus de betterave et de rhubarbe sans saccharine, tu étends les draps fraîchement lavés sur la corde à linge (nous, on est-è dans le vent-ent-ent…). Le ciel est bleu, les draps se gonflent, la brise est bonne; tu te payerais presque une scène de bonheur simplet, mais voilà, tu décides d’aller voir ailleurs si tu y es, et tu n’y vas pas seul, car si tu y es, aussi bien que quelqu’un soit là aussi pour voir ça. Donc, tu prends ta liste de commissions et pars en cavale. À ton retour, tu constates avec stupéfaction que tout ce que tu avais mis sur la corde à linge avait jugé bon de faire ce que la gravité incite toute chose à faire ardemment, et ce vers le bas (c’est ainsi sur ta planète). Tout ce qui était sur la corde à linge, la corde y comprise… et le vieil arbre qui servait de poteau également, avec une triple fracture du tronc. Étrangement, dans ton for intérieur sommairement et subitement extériorisé pour les besoins de la cause, tu blâmes un peu l’ancien propriétaire d’avoir ancré une corde à linge sur un arbre mort.

Mais quelle chance! tu gares rarement ta Porsche en forêt sous la corde à linge.

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