On vous demande ce que vous ferez en fin de semaine? Si vous voulez créer un certain effet, oubliez les bars branchés et les sorties prévisibles. Je vous propose plutôt ceci:
- Ah! Je m’en vais à Sudbury.
Votre interlocuteur s’enquerra probablement ensuite de la raison de ce voyage inouï. En effet, lorsque ses yeux se seront transformés en phylactères de bande dessinée affichant un sublime «Mais qu’est-ce que tu vas faire là-bas?», au moment où le point d’interrogation menace de déchirer ses sourcils, répondez:
- Je sais pas trop. Un ami m’a proposé une sorte de concert, mais honnêtement, je ne sais pas trop qui joue…
C’était peu dire. Je ne savais pas non plus exactement où j’allais, à quelle heure on partait, à quelle distance était Sudbury, et qui y allait aussi. Sudbury n’est peut-être pas un Eldorado, un rêve fou d’évasion, mais ajoutez-y de bons amis et un autobus bondé de bon sentiment, et vous détenez une recette fort respectable de bonheur à consommer sur place. (Je m’en voudrais, par contre, d’oublier de mentionner au futur touriste alléché par Sudbury que la ville est d’une mocheté certaine avec ses roches noircies et ses sapins nains engraissés à la pluie acide d’exploitation minière.)
Et le concert? C’était sûrement l’état d’esprit, mais le Québécois en moi fut passablement attendri d’écouter une salle de Franco-Ontariens chantonner «mon p’tit porte-clé, tout rouillé, tout rouillé» avec cœur. Les quelques gouttes de lubrifiant social alcoolisé que j’avais ingurgitées ont sans doute contribué à me faire apprécier l’ambiance. J’ai même eu un certain plaisir à voir les Respectables (groupe que je gratifie normalement d’une superbe indifférence), et surtout de voir passer dans leurs yeux l’espèce d’heureux étonnement qu’ils auraient pu avoir en arrivant en Ouzbékistan et en constatant que: «Hé! Les Ouzbeks connaissent nos chansons!» Il n’y a pas à dire, ce coin du nord de l’Ontario devenait une contrée sauvage possible à apprivoiser l’espace d’une soirée. J’ai d’ailleurs découvert un groupe franco-manitobain très intéressant dont je me ferai l’ambassadeur auprès d’une certaine sélection de mon entourage.
Alors, parfois, comme ça, il faut savoir dire «oui» quand on vous propose un concert venu de nulle part, dans une ville qui ne représente pour vous qu’un point diffus, quelque part par là. Il faut savoir accepter le jeudi que vous serez à Sudbury le samedi soir, sans trop s’en faire au sujet de toutes les autres modalités du voyage.
J’ai su. Tant mieux. Ma vie n’est pas linéaire.
Dans un coin de ma tête, je prends donc le soin d’inscrire: «À refaire».
P.-S. – Toutes mes excuses aux adulateurs d’exactitude typographique. Les espaces requises avant les deux-points, et avec les guillemets ouvrants et fermants, viennent de prendre le bord. Si Radio-Canada le fait, pourquoi pas? Non, mais ça va faire, la manipulation génétique du code HTML pour venir insérer toutes ces petites espaces insécables…
- Ah! Je m’en vais à Sudbury.
Votre interlocuteur s’enquerra probablement ensuite de la raison de ce voyage inouï. En effet, lorsque ses yeux se seront transformés en phylactères de bande dessinée affichant un sublime «Mais qu’est-ce que tu vas faire là-bas?», au moment où le point d’interrogation menace de déchirer ses sourcils, répondez:
- Je sais pas trop. Un ami m’a proposé une sorte de concert, mais honnêtement, je ne sais pas trop qui joue…
C’était peu dire. Je ne savais pas non plus exactement où j’allais, à quelle heure on partait, à quelle distance était Sudbury, et qui y allait aussi. Sudbury n’est peut-être pas un Eldorado, un rêve fou d’évasion, mais ajoutez-y de bons amis et un autobus bondé de bon sentiment, et vous détenez une recette fort respectable de bonheur à consommer sur place. (Je m’en voudrais, par contre, d’oublier de mentionner au futur touriste alléché par Sudbury que la ville est d’une mocheté certaine avec ses roches noircies et ses sapins nains engraissés à la pluie acide d’exploitation minière.)
Et le concert? C’était sûrement l’état d’esprit, mais le Québécois en moi fut passablement attendri d’écouter une salle de Franco-Ontariens chantonner «mon p’tit porte-clé, tout rouillé, tout rouillé» avec cœur. Les quelques gouttes de lubrifiant social alcoolisé que j’avais ingurgitées ont sans doute contribué à me faire apprécier l’ambiance. J’ai même eu un certain plaisir à voir les Respectables (groupe que je gratifie normalement d’une superbe indifférence), et surtout de voir passer dans leurs yeux l’espèce d’heureux étonnement qu’ils auraient pu avoir en arrivant en Ouzbékistan et en constatant que: «Hé! Les Ouzbeks connaissent nos chansons!» Il n’y a pas à dire, ce coin du nord de l’Ontario devenait une contrée sauvage possible à apprivoiser l’espace d’une soirée. J’ai d’ailleurs découvert un groupe franco-manitobain très intéressant dont je me ferai l’ambassadeur auprès d’une certaine sélection de mon entourage.
Alors, parfois, comme ça, il faut savoir dire «oui» quand on vous propose un concert venu de nulle part, dans une ville qui ne représente pour vous qu’un point diffus, quelque part par là. Il faut savoir accepter le jeudi que vous serez à Sudbury le samedi soir, sans trop s’en faire au sujet de toutes les autres modalités du voyage.
J’ai su. Tant mieux. Ma vie n’est pas linéaire.
Dans un coin de ma tête, je prends donc le soin d’inscrire: «À refaire».
P.-S. – Toutes mes excuses aux adulateurs d’exactitude typographique. Les espaces requises avant les deux-points, et avec les guillemets ouvrants et fermants, viennent de prendre le bord. Si Radio-Canada le fait, pourquoi pas? Non, mais ça va faire, la manipulation génétique du code HTML pour venir insérer toutes ces petites espaces insécables…
2 commentaires:
J'adore ton post scriptum!
Haha! Oui, j'étais typographiquement un peu trop zélé .
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