05 mai 2008

Acériculture musicale

Je ne l’avais pas fait depuis longtemps, et ça ne me manquait pas tant que ça. J’avais presque oublié comment c’était en fait, à quel point l’odeur était particulière, ce que ça pouvait goûter, les sons bizarres qu’on y entendait.

Ce n’est pas moi qui ai décidé qu’on allait le faire, c’est elle. En groupe et avec sa famille, pour tout avouer.

Nous sommes donc allés dans une de ces cabanes à sucre en tôle d’acier où on va se servir des oreilles de Christ trop dures, à faire ramollir dans des fèves au lard trop salées, avant d’aller s’asseoir sur ces chaise dépareillées que l’on retrouve aussi dans les classes, les cafétérias scolaires et les sous-sols d’église. Ça allait encore, j’avais pris la sage décision de ne pas prendre d’oreilles de Christ.

Mais voilà: à six pieds devant moi se dressaient une plateforme, deux amplificateurs, des micros, beaucoup de fils et un ordinateur. Lorsque le chanteur est revenu enfourcher sa guitare, j’ai vraiment pressenti (oui voilà, ça m’arrive, j’ai des pressentiments, mais rassure-toi, je ne vois pas souvent d’auras) que mon jambon au sirop d’érable allait être noyé dans le déplaisir musical.

Ce chanteur donc, accompagné de ses fichiers midi et de ses enregistrements de percussions parasitées, avait la prodigieuse volonté de transformer les succès populaires et traditionnels en succès country. Je ne suis pas nécessairement conquis d’avance par «Embarque ma belle/On va bûcher du bois/On va aller gueuler avec les loups/Qu’est-ce qu’on fait en fin de semaine?/On pourrait se construire un cabanon en 2 par 4/Oui, avec les loups-ou-ou», mais je certifie que le trémolo country n’y apporte aucune amélioration. Le traitement n’est pas plus heureux pour Dégénérations ou n’importe quelle chanson d’Elvis. Je le sais, on l’a testé sur moi, et je n’étais pas entièrement consentant. Mon jambon non plus.

Puis il a appelé Caro, acclamée à grands tintements de bouteilles de Labatt plus ou moins vides par son groupe. «Est où ma belle Caro? – Est dehors en train de fumer.» Alors sa belle Caro est arrivée, elle a monté sur la scène, puis je n’ai pas pu m’empêcher de confier à mes voisins immédiats et à mon jambon: «Ça va être du Marjo. Je le sens. Ou du Marie-Chantal Toupin.» J’étais plein de préjugés puisque j’ai eu tort. Caro s’est dit que l’ambiance de la cabane à sucre siérait à merveille pour une ballade d’Isabelle Boulay. Jamais assez loin, qu’elle disait. Moi aussi. Surtout lorsqu’elle répétait «Je vais-eux laisser mon coeu-eurrr», c’est-à-dire environ douze fois. En faussant sur cœur à chaque fois.

La chanson achevait, je croyais être au bout de mes peines, mais son groupe ne l’entendait pas ainsi. «Caro, Maudit bo-ârrr-d-èèèè-l, Caro!»

Voilà, je le savais. C’est alors que Caro a commencé à roucouler: «J’m’ouvrrre les yeux/Je rrr’garde tout autourr/J’ai juste envie d’les rrr’fermer»

Je le savais, oui, mais je dois dire qu’il y eut quand même un certain élément de surprise lorsque la mère de Barbie est montée sur sa chaise pour danser en se flattant les seins à travers son espèce de coton ouaté moulant.

Puis aussi quelques instants plus tard lorsqu'elle m’a regardé dans les yeux en le faisant.

2 commentaires:

Galad a dit...

Pauvre François. J'espère que la dame au coton ouaté (avec un loup?) ne viendra pas trop hanter tes nuits.

Déjà que tu dors sur le futon...

François a dit...

Non, ça va, le futon et moi, c'est maintenant terminé...
Et pour le loup, c'était jour de sortie, elle avait plutôt mis celui avec les motos et les roses, si je me souviens bien. Mais tu sais, j'ai préféré ne pas trop fixer le dessin ou le relief sur le chandail, question de ne pas jouer les allumeurs.