10 juillet 2007

4 – De la gourmandise

La gourmandise est un péché grave. Il convient de punir sévèrement ceux qui osent se servir une deuxième ration de patates pilées, ceux qui prennent une grosse pointe de tarte aux fraises ou qui mettent trop de sauce forestière sur leur rôti (et même sur les patates parfois, c’est tout dire). Ces gens sont dangereux et contribuent à précipiter les sociétés dans la déchéance la plus totale, un monde fou où la morale se diluerait infiniment comme un bouillon de soupe de buffet chinois. Et qu’on laisse enfin les fraudeurs et les mafieux tranquilles.

En fait, la gourmandise occidentale reçoit un mélange d’oppression et de grand encouragement, ce qui ne garantit pas des résultats probants. Oui, les messages sont parfois contradictoires; tu le sais, tu as déjà vu à l’épicerie une couverture de magazine (était-ce Le Monde diplomatique ou Les Affaires?) avec une photo de gâteau fondant au chocolat avec de la crème fouettée, des petits copeaux de cacao, des cerises givrées, du sirop d’érable et du coulis de fraise avec du caramel au beurre par-dessus, et une accroche d’article qui disait sensiblement: «Mon régime de tofu et de carottes me rend folle de joie!»

Alors, les manges-tu, donc, tes émotions? Tu prends une deuxième assiette même lorsque tu n’as plus faim, parce que, enfin, c’est la recette de ta tante Lucienne? Sérieusement, te concoctes-tu des mets par trop caloriques (pas trop catholiques)?

Alors, tant que les inspecteurs du Guide alimentaire canadien ne viennent pas analyser ton menu, tu peux considérer ton alimentation comme respectable. Tu aimes même les épinards et le brocoli, alors c’est difficile de s’autoflageller en prenant un deuxième bol de salade. Mais bon, il ne faut pas croire que tu es raisonnable tout le temps (ah! ce qu’il faudrait être dupe). Sauf qu’encore là, des signes extérieurs (appelons ça Dieu, le dos est large quand on est partout) viennent périodiquement calmer tes envies de glucides et de lipides poly-insaturées: ton pop-corn explose au micro-onde, tes nachos prennent en feu dans le four et d’autres interventions divines sont offertes sur appel. Mais parfois, Dieu doit s’égarer un peu trop ailleurs (c’est-à-dire Dieu sait où, selon la sacrée expression consacrée), parce qu’il fait flétrir tes épinards et brûler tes pâtes dans le fond du chaudron, et ça, ce ne sont pas des tours à jouer… ce sont des gaffes de dieux amateurs.

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