Par une somptueuse et récente fin de semaine de mauvais temps, j’ai pris mes jambes à mon cou et, malgré cette étrange disposition de mes membres inférieures, ai fui au loin vers un éden peuplé de maringouins carnassiers et de ratons-laveurs fouineurs, videurs de glacières.
À notre arrivée au camping, dans une relative accalmie, nous montâmes la tente prestement, sur un lit d’aiguilles d’épinette. Nous passâmes la soirée en cercle autour d’une lampe de poche (vive les règlements qui interdisent les feux de camp; rien n’est comparable à la joie de se réunir autour d’une faible lueur évanescente qui ferait les joies d’une publicité pour Duracell) à discuter de choses et d’autres. Puis, nous nous entassâmes dans la tente, qui avait déjà beaucoup rétréci depuis que nous essayions d’être trois à l’intérieur. Quatre autres personnes s’empilaient dans l’autre tente, ce qui constituait aussi une entrave au sens commun. Enfin, nous nous endormîmes habilement sous la pisse céleste, et dormîmes comme des loirs (ceux qui sont très fatigués).
Très tôt le lendemain matin, à l’heure où le soleil grogne encore parce qu’il n’a pas bu son premier café, nous nous levions pour avaler un déjeuner que même l’États-Unien moyen trouve copieux; nous allions nous lancer dans la descente de la rivière des Outaouais.
L’incontinence céleste se poursuivait alors que nous atterrissions dans les grosses embarcations soufflées, en fleurant bon l’ancienne sueur incrustée dans les casques et les gilets de flottaison. Un garde-chiourme (eux, ils disent un guide) embarqua à l’arrière. C’était un départ. Les remous des premiers rapides se faisaient déjà entendre à la proue, où ne s’étalait pas de Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues. Les coureurs des bois qui nous habitaient étaient à l’affût…
La douche intégrale suivit bien vite. L’imperméable tint bien mal son rôle, je maudis le t-shirt que j’avais gardé en-dessous et les pantalons, sous-vêtements, bas (pourquoi avais-je gardé ces bas?) et souliers étaient destinés à ne plus sécher de la journée…
Quelques heures d’agrément plus tard, nous revînmes au camp. Mon ami s’était probablement fait greffer des neurones de Céline durant le trajet, son discours pour le lendemain se simplifiant à «We take the kayak! We take the kayak!
Pas exactement un kayak, d’accord, mais une sorte de bateau biplace, dont les flancs non diaphanes nous révélaient, à nous et aux marins profanes, des éclaboussures mémorable et des naufrages horribles qui inclineraient assurément notre carène.
À suivre…
13 juin 2006
Orgueil et humidité I
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