03 juin 2013

Portrait parisien – la serveuse à qui j’ai demandé du beurre (un classique revisité)


Il y a cette serveuse, à qui j’ai pointé le pain, et ajustant automatiquement l’accent en voyant venir la difficulté linguistique qui se déguise si souvent en cliché, visant le français international, un compromis à mi-chemin entre le québécois et le parisien, disons pile sur la dorsale médio-atlantique, une prononciation que déjà je n’aurais jamais assumée à Montréal: je pourrais avoir du beurre? Je trouvais le eu déjà bien moins écrasé, les r qui prenaient déjà trop de place, le mot un peu trop étiré.

Elle prit son air de top-modèle qui ne comprend pas ce qu’on attend d’elle dans la séance photo, avec une touche de souci qui tirait sur son sourcil favori et par extension sur ses cheveux blonds bien lissés: mais pourquoi donc ce type demande du jeune d’origine maghrébine né en France de parents immigrés. Enfin, du beur? Pour mettre sur son pain? Non vraiment, je cherche, je ne vois absolument pas ce qu’il pourrait bien vouloir mettre sur son pain.

Avant qu’elle tombe en asthénie cérébrale, je récidive en parcourant une autre moitié du chemin linguistique. Je ne sais où j’ai pu atterrir. Du b(itsi-bitsi-petit-mini eu)rrr(mais pas roulés, les r, non, ni grasseyants, juste gracieusement étirés, aériens, faut que ça flotte, diaphanes, ouais, misère), s’il vous plaît.

Elle s’illumine, se félicite de sa capacité à traduire le pseudo-français du coureur des bois en bon français de la métropole.

Ah, oui, du beurre!

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