07 mai 2012

La mort (avec vue côté hublot)

Je pense rarement autant à la mort que lorsque je suis sur le point de prendre l’avion. Ça va quand même, je connais relativement les statistiques, et ce n’est pas si tortueux, j’enclenche le processus de ratiocination. Je m’en sors bien, et je suis même heureux d’avoir un siège côté hublot. C’est que je trouve ça joli l’aube au-dessus des nuages cotonneux. Un peu quétaine, peut-être. Un monde de Calinours avec une épée de Damoclès biturbopropulsée, ça reste joli. Et j’aime passer des tests de géographie et projeter des frontières de pays. Et regarder les petits ponts au-dessus des rivières linéaires où passent des humains dépersonnalisés dans des petites autos sur la maquette de ma planète. Et je me dis que je pourrais corriger les voisins inconnus qui identifient mal l’étendue d’eau qu’on voit présentement sous l’aile. La maquette est pourtant claire

Je me dis donc que si on est sur le point de s’écraser, ça aura au moins fait joli juste avant. Mais mes voisins mourront avec des lacunes évidentes en géographie

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D’accord, Morts imaginaires de Michel Schneider n’était peut-être pas le meilleur choix de lecture d’avion. Chapitre après chapitre, c’était comme un catalogue d’illustres fins de vie. Je cornais quelques pages (ah, une comme ça me plairait; celle-là n’est pas si mal non plus). Ça soulignait à quel point je pourrais ne pas avoir de bon mot de la fin, de flèche du Parthe funèbre, de Rosebud accompagné d’un râle évanescent. Juste une vie achevée n’importe où. Une version de la vision de Lamartine à l’improviste: On voudrait revenir à la page où l'on aime/ Et la page où l'on meurt est déjà sous nos doigts. Une trajectoire pas très originale, manquant sans doute de romanesque. Et horreur, une fin en forme de fait divers, avec mon voisin qui dirait en faux direct à Denis Lévesque que j’étais un bon voisin.

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