Bon, tu n’es pas trop colérique. Ou plutôt: tu maîtrises très bien la petite veine battante qui pousse parfois dans le cou de certaines personnes devenant rouges ou bleues lorsqu’un véhicule les dépasse par la droite, dans l’accotement, juste avant leur sortie en pleine heure de pointe, et qui peut les porter à lever un des doigts, tiens, disons celui du milieu, vers leur prochain qui a un peu forcé les choses pour ne plus être le prochain justement, mais le précédent. Tu as donc su trouver le cran d’arrêt qui t’empêche de te transformer en Hulk surdimensionné et de casser, en furie, les assiettes de porcelaine fleurie de ta belle-mère partout dans la cuisine. Bien sûr, tu n’as pas franchi le cap ridicule de commencer chaque phrase par «Je trouve que…» ou «Je comprends tes appréhensions, chérie, tu sens bon et ta nouvelle blouse est très jolie, mais il me semble que…» en rampant pour passer le moindre commentaire, fût-ce l’insinuation légère que la sauce à spaghetti pourrait peut-être, enfin pas nécessairement, ce n’est pas si flagrant… manquer un peu d’épice? Guy Corneau, Oprah, Docteur Phil et tout autre objecteur de conscience qui vit dans la plénitude de la communication sans jamais hausser le ton ne saurait être le bienvenu dans ta chaumière où il fait parfois bon mettre les points sur les i et les barres sur les t, comme le dit la sagesse populaire lorsqu’on lui jase au coin de la rue. Et comme tu ne fais les choses ni à moitié ni dans la dentelle, tu mets aussi les points sur les j et les queues sur les Q (et les s au pluriel en tenant compte des exceptions, mais on s’égare et tu ne feras quand même pas une colère pour des pataquès).
Mais bon, ne viens pas dire que ta coche tu ne pètes point. Non, tu n’oserais pas, mais n’empêche que tu as une façon de te fâcher qui relève un peu de l’abnégation et surtout de la bombe à retardement, et tu as appris qu’il est souvent bon d’user de la politesse et de l’ironie, ce qui travestit ta colère sous des traits presque belliqueux pour quiconque perçoit mal l’ironie. Et tu ne saurais prétendre que cette incapacité est rare.
Et les mots d’église, eux? Ah! ce charmant bagage qui fait les joies des chantiers de construction! Faut-il s’appuyer sur eux, les éviter absolument ou en faire un usage modéré? Jolie question épineuse, mais tu crois qu’un usage personnel restreint et privé, dans le confort de ton salon, puisse être toléré puisqu’il se substitue bien au «Par la présente, j’aimerais bien énoncer que des limites qui m’appartiennent en propre viennent d’être outrepassées et il m’appert important que tu en aies connaissance.» Mais il est vrai que parfois, un pot de yogourt qui tombe par terre et éclabousse tout le plafond, un orteil qui embrasse avec vitesse une patte de lit dans le noir, un caillou qui décide de venir fendre ton pare-brise en plein milieu à la hauteur des yeux, côté conducteur, ça peut occasionner une espèce d’impulsion sur le graphique des stimuli extérieurs et faire en sorte que le cerveau perçoive un certain dépassement de limite. Il est par contre essentiel de contrôler les limites pour éviter une conversation où le sacre agit comme synonyme de tout, de n’importe quoi et surtout de rien: une sorte d’application du langage de Peyo où le verbe schtroumpfer aurait triomphé de toute structure langagière.
Comment schtroumpfes-tu aujourd’hui? Ah! Crissement bien.
Mais bon, ne viens pas dire que ta coche tu ne pètes point. Non, tu n’oserais pas, mais n’empêche que tu as une façon de te fâcher qui relève un peu de l’abnégation et surtout de la bombe à retardement, et tu as appris qu’il est souvent bon d’user de la politesse et de l’ironie, ce qui travestit ta colère sous des traits presque belliqueux pour quiconque perçoit mal l’ironie. Et tu ne saurais prétendre que cette incapacité est rare.
Et les mots d’église, eux? Ah! ce charmant bagage qui fait les joies des chantiers de construction! Faut-il s’appuyer sur eux, les éviter absolument ou en faire un usage modéré? Jolie question épineuse, mais tu crois qu’un usage personnel restreint et privé, dans le confort de ton salon, puisse être toléré puisqu’il se substitue bien au «Par la présente, j’aimerais bien énoncer que des limites qui m’appartiennent en propre viennent d’être outrepassées et il m’appert important que tu en aies connaissance.» Mais il est vrai que parfois, un pot de yogourt qui tombe par terre et éclabousse tout le plafond, un orteil qui embrasse avec vitesse une patte de lit dans le noir, un caillou qui décide de venir fendre ton pare-brise en plein milieu à la hauteur des yeux, côté conducteur, ça peut occasionner une espèce d’impulsion sur le graphique des stimuli extérieurs et faire en sorte que le cerveau perçoive un certain dépassement de limite. Il est par contre essentiel de contrôler les limites pour éviter une conversation où le sacre agit comme synonyme de tout, de n’importe quoi et surtout de rien: une sorte d’application du langage de Peyo où le verbe schtroumpfer aurait triomphé de toute structure langagière.
Comment schtroumpfes-tu aujourd’hui? Ah! Crissement bien.
3 commentaires:
Ah... Tu ne peux pas t'imaginer, François, le plaisir que j'ai à lire ces petits péchés.
C'en serait un de te lire, que je le ferais quand même, c'est tout dire!
Sérieusement, si ton Groenland était une religion, je serais la première à m'acheter des mitaines...
Tu viens de me faire plaisir (oui merci, ça te vaudra deux indulgences groenlandaises) mais aussi de trouver pourquoi le Groenland n'est pas une religion: essaie de communier (eucharistiquement parlant) avec des mitaines!
Mais dès que je trouve une solution, j'envoie les lettres d'adhésion en bonne et due forme.
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