Cher Groenland,
Tu te rappelles peut-être que je suis vaguement comptable à mes heures (mais pas celles facturables, je tiens à le préciser, une réputation est si vite entachée – moi comptable, pfft, quand même), dans ma relation avec les dates entre autres. C’est une sorte de fatalité, j’imagine, quand tu fais partie du bilan exutoire net d’une mère comptable et d’un père comptable et professeur de comptabilité. Ma sœur a subi les mêmes sévices logico-mathématiques. C’est un sujet un peu tabou. D’aucuns croient dès lors que le plus difficile est de parvenir à accéder à une vie exaltante.
Bon, il arrive que d’aucuns n’aient pas vraiment tort. Mais ce n’est pas aussi beige qu’on le croirait d’emblée. De fait, ma mère a combattu les préjugés en propageant un rire très audible et communicatif. Comme ça, les gens ne pouvaient pas savoir immédiatement qu’elle était comptable. Elle milite toujours. Si vous entendez quelqu’un rire fort, songez que c’est peut-être un comptable qui bataille pour la cause. Nonobstant tout ça, il appert que cette relation épistolaire éparpillée et unidirectionnelle entre moi (Erik le Rouge pas roux et pas trop demi-civilisé, espérons-le) et toi (Groenland pas trop défraîchi, espérons-le) franchit à petit feu, sur la braise tiède, le cap des six ans. Comme j’ai fait la recherche, autant en profiter: je mentionne immédiatement qu’il s’agit de noces de chypre. Précisons que c’est le parfum, car je ne trouve pas le moment judicieux pour célébrer des noces d’île quasi-grecque. Je ne suis pas très calé en parfumerie, mais ma source m’informe que c’est une base de parfum dont l’ingrédient secret est extrait d’une mousse qui recouvre le chêne. Oui, nous sommes rendus à ce stade-là. Ça donne des parfums «puissants et persistants», qui ont connu un beau succès et qui sont présentement dans une phase de déclin que j’imagine très bien puissant et persistant. On me met aussi en garde contre l’abus: certains parfums présentement classés comme chyprés ne contiennent pas du tout la «composante aromatique spécifique».
Je résume: nous célébrons des noces d’une sorte de parfum qui sent pas mal fort et très longtemps, qui suscite de moins en moins d’intérêt, et dont on utilise l’appellation à tort et à travers. Hum. Splendide.
On s’en reparle.
Au fait, t’as encore minci. On te voit toutes les côtes. Je dis ça de même.
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