Quoi, comment ça, cette tague correspond à un virus dont la souche a été décimée il y a deux ans et demi? Et il faut faire ça court en plus? Tant pis, c’est ça qui est ça, et mangez de la boue si ça vous dérange.
1. Plutôt corne ou marque-page?
Tout jeune, endoctriné, j’entourais les livres de soins qui confinaient à la muséologie.
Jamais un livre ne devait être déposé ouvert à l’envers: en aplatissant les pages, c’eût endommagé la reliure. Si la reliure ridait, j’avais été trop loin, je m’accusais de profanation. Écrire dans un livre eût relevé de l’impiété livresque; forcément, ça me scandalisait.
Je marque donc la page avec un signet, mais je déteste les signets attitrés avec une reproduction zoomée étirée d’un Monet, des chats, ou pire, ceux qui disent: «François: Les François sont des amis fidèles, des êtres sensibles, etc. Leur couleur: le bleu. Leur nombre chanceux: le 12…» J’opte pour le signet élu au gré du mystérieux destin des bouts de papier laissés-pour-compte, l’échantillon de couleurs pour la peinture du salon ou le billet de cinéma promu marque-page.
Aveu: je suis maintenant un libertin, il m’arrive même, quand j’aime une phrase ou un passage, de corner le coin inférieur de la page en le rabattant du côté où un passage me plaît. Dans une dizaine d’années, si la tendance se maintient, j’irai peut-être jusqu’à mettre une ligne au crayon de plomb dans la marge (et ce, ouf, sans même utiliser une règle).
2. Un livre en cadeau?
En théorie, oui, bien sûr, super, c’est merveilleux un livre en cadeau.
En pratique, c’est très complexe, je parviens très difficilement à déjouer les pièges de base: qui a déjà lu quoi, possède déjà tel livre, aimera vraiment tel livre? J’ai reçu trois livres que je n’ai pas encore lus cinq ans après réception (Tolkien, je l’avoue, par crainte d’ennui; et puisque j’ai déjà traversé deux Henning Mankell, pourquoi en lire deux de plus?), et ça m’attriste un peu de penser que je pourrais prendre part à perpétuer cette situation, à tenter vainement de court-circuiter la liste de lecture d’autrui en offrant en cadeau un livre qui n’est pas un vrai cadeau pour la personne qui le reçoit. Je sais combien une liste de lecture est déjà assez difficile à gérer.
Et n’abordons pas le sujet du livre-objet-avec-des-belles-photos pour table à café dont personne n’a jamais réussi à me persuader du bien-fondé, mis à part celui de servir d’appui pour inscrire les cartes reçues et les cacher à son voisin lorsqu’on joue à Clue.
3. Lis-tu dans ton bain?
C’est en effet le genre de choses que je fais parfois. Faisais du moins, à l’époque où les deux activités combinées se plaçaient bien ensemble dans l’horaire d’une soirée. J’atteignais d’ailleurs régulièrement le moment critique où l’eau devenait inconfortablement froide. C’est bon, je savais assumer les risques. Un seul livre a déjà été estropié dans l’expérience.
4. As-tu déjà pensé à écrire un livre?
Personne n’est à l’abri d’une telle pensée. Ça s’ébauche un peu, j’ai une sorte de trame, quelques idées, des phrases orphelines, un format concept dons j’use les coins à force de le faire rebondir dans mon arrière-cerveau (logique, si ça cogne contre la dure-mère…), une sorte de début dans un fichier que j’ouvre de temps à autre, dans lequel je change quelques virgules de place quand le cœur m’en dit. J’ai des idées brillantes la nuit, qui m’apparaissent un peu nulles lorsqu’elles me reviennent le matin; bien sûr; celles oubliées me semblent a posteriori plus géniales encore.
5. Que penses-tu des séries de plusieurs tomes?
Ce qui m’embête, ce n’est pas tant le côté recette ou mercantilisme, c’est purement le coût d’opportunité trop élevé: tous ces livres que je ne suis pas en train de lire pour suivre les mêmes personnages qui vivront sensiblement les mêmes aventures dans une trame narrative très similaire, ça m’énerve vaguement. Et pourtant, c’est là le principe de l’engrenage, je sais fort bien combien il est merveilleux lorsqu’on embarque dans une série qu’on aime de savoir qu’il reste encore quatre tomes avant que ça se parachève. Je garde néanmoins la plupart du temps mes distances.
6. As-tu un livre culte?
Pas exactement, mais j’essaie régulièrement de dresser une liste de mes cinq romans préférés. Peine perdue, ça me fâche (je sais que je prends ce genre de listes beaucoup trop au sérieux). Mais, s’il faut tenter un semblant de réponse, je dirais que peu de livres ont réussi à approcher l’impression percutante suscitée par La vie devant soi sur mes juvéniles 17 ans.
7. Aimes-tu relire?
Pas particulièrement, je devine trop ce qui s’en vient.
Mais j’aime feuilleter à nouveau un livre aimé pour en décortiquer un peu la structure, en déconstruire les chapitres, voir comment ça a fonctionné quand je le lisais, comment les dialogues sont amenés, comment les temps de verbe sont choisis (ah tiens, ça revient au passé simple ici, fa-sci-nant), regarder toute l’architectonique, les poutres apparentes et les boulons du roman. Plus jeune, je m’amusais comme ça à décoder la très structurée Agatha Christie: comment les personnages étaient présentés, comment les indices étaient semés, comment telles informations étaient contournées. J’ai lu l’ensemble des quatre-vingt-et-quelques romans policiers d’Agatha (et deux Mary Westmacott, mais fallait pas devenir fou quand même), et à la fin, disons pour les quelque quinze derniers que j’ai lus, ce n’est pas pour me vanter, mais je savais presque toujours qui avait tué et sur qui les soupçons allaient peser, juste pour l’illusion, un peu avant le dévoilement. J’aime la structure d’Agatha, c’est ainsi. Je dois avoir lu Les Vacances d’Hercule Poirot et Cinq petits cochons trois fois chacun. Certes, d’accord, c’est principalement dû au fait qu’il pleuvait souvent en camping l’été et que l’espace livre était limité par celui requis dans les bagages pour, entre autres, ne pas être à court de sous-vêtements propres.
1. Plutôt corne ou marque-page?
Tout jeune, endoctriné, j’entourais les livres de soins qui confinaient à la muséologie.
Jamais un livre ne devait être déposé ouvert à l’envers: en aplatissant les pages, c’eût endommagé la reliure. Si la reliure ridait, j’avais été trop loin, je m’accusais de profanation. Écrire dans un livre eût relevé de l’impiété livresque; forcément, ça me scandalisait.
Je marque donc la page avec un signet, mais je déteste les signets attitrés avec une reproduction zoomée étirée d’un Monet, des chats, ou pire, ceux qui disent: «François: Les François sont des amis fidèles, des êtres sensibles, etc. Leur couleur: le bleu. Leur nombre chanceux: le 12…» J’opte pour le signet élu au gré du mystérieux destin des bouts de papier laissés-pour-compte, l’échantillon de couleurs pour la peinture du salon ou le billet de cinéma promu marque-page.
Aveu: je suis maintenant un libertin, il m’arrive même, quand j’aime une phrase ou un passage, de corner le coin inférieur de la page en le rabattant du côté où un passage me plaît. Dans une dizaine d’années, si la tendance se maintient, j’irai peut-être jusqu’à mettre une ligne au crayon de plomb dans la marge (et ce, ouf, sans même utiliser une règle).
2. Un livre en cadeau?
En théorie, oui, bien sûr, super, c’est merveilleux un livre en cadeau.
En pratique, c’est très complexe, je parviens très difficilement à déjouer les pièges de base: qui a déjà lu quoi, possède déjà tel livre, aimera vraiment tel livre? J’ai reçu trois livres que je n’ai pas encore lus cinq ans après réception (Tolkien, je l’avoue, par crainte d’ennui; et puisque j’ai déjà traversé deux Henning Mankell, pourquoi en lire deux de plus?), et ça m’attriste un peu de penser que je pourrais prendre part à perpétuer cette situation, à tenter vainement de court-circuiter la liste de lecture d’autrui en offrant en cadeau un livre qui n’est pas un vrai cadeau pour la personne qui le reçoit. Je sais combien une liste de lecture est déjà assez difficile à gérer.
Et n’abordons pas le sujet du livre-objet-avec-des-belles-photos pour table à café dont personne n’a jamais réussi à me persuader du bien-fondé, mis à part celui de servir d’appui pour inscrire les cartes reçues et les cacher à son voisin lorsqu’on joue à Clue.
3. Lis-tu dans ton bain?
C’est en effet le genre de choses que je fais parfois. Faisais du moins, à l’époque où les deux activités combinées se plaçaient bien ensemble dans l’horaire d’une soirée. J’atteignais d’ailleurs régulièrement le moment critique où l’eau devenait inconfortablement froide. C’est bon, je savais assumer les risques. Un seul livre a déjà été estropié dans l’expérience.
4. As-tu déjà pensé à écrire un livre?
Personne n’est à l’abri d’une telle pensée. Ça s’ébauche un peu, j’ai une sorte de trame, quelques idées, des phrases orphelines, un format concept dons j’use les coins à force de le faire rebondir dans mon arrière-cerveau (logique, si ça cogne contre la dure-mère…), une sorte de début dans un fichier que j’ouvre de temps à autre, dans lequel je change quelques virgules de place quand le cœur m’en dit. J’ai des idées brillantes la nuit, qui m’apparaissent un peu nulles lorsqu’elles me reviennent le matin; bien sûr; celles oubliées me semblent a posteriori plus géniales encore.
5. Que penses-tu des séries de plusieurs tomes?
Ce qui m’embête, ce n’est pas tant le côté recette ou mercantilisme, c’est purement le coût d’opportunité trop élevé: tous ces livres que je ne suis pas en train de lire pour suivre les mêmes personnages qui vivront sensiblement les mêmes aventures dans une trame narrative très similaire, ça m’énerve vaguement. Et pourtant, c’est là le principe de l’engrenage, je sais fort bien combien il est merveilleux lorsqu’on embarque dans une série qu’on aime de savoir qu’il reste encore quatre tomes avant que ça se parachève. Je garde néanmoins la plupart du temps mes distances.
6. As-tu un livre culte?
Pas exactement, mais j’essaie régulièrement de dresser une liste de mes cinq romans préférés. Peine perdue, ça me fâche (je sais que je prends ce genre de listes beaucoup trop au sérieux). Mais, s’il faut tenter un semblant de réponse, je dirais que peu de livres ont réussi à approcher l’impression percutante suscitée par La vie devant soi sur mes juvéniles 17 ans.
7. Aimes-tu relire?
Pas particulièrement, je devine trop ce qui s’en vient.
Mais j’aime feuilleter à nouveau un livre aimé pour en décortiquer un peu la structure, en déconstruire les chapitres, voir comment ça a fonctionné quand je le lisais, comment les dialogues sont amenés, comment les temps de verbe sont choisis (ah tiens, ça revient au passé simple ici, fa-sci-nant), regarder toute l’architectonique, les poutres apparentes et les boulons du roman. Plus jeune, je m’amusais comme ça à décoder la très structurée Agatha Christie: comment les personnages étaient présentés, comment les indices étaient semés, comment telles informations étaient contournées. J’ai lu l’ensemble des quatre-vingt-et-quelques romans policiers d’Agatha (et deux Mary Westmacott, mais fallait pas devenir fou quand même), et à la fin, disons pour les quelque quinze derniers que j’ai lus, ce n’est pas pour me vanter, mais je savais presque toujours qui avait tué et sur qui les soupçons allaient peser, juste pour l’illusion, un peu avant le dévoilement. J’aime la structure d’Agatha, c’est ainsi. Je dois avoir lu Les Vacances d’Hercule Poirot et Cinq petits cochons trois fois chacun. Certes, d’accord, c’est principalement dû au fait qu’il pleuvait souvent en camping l’été et que l’espace livre était limité par celui requis dans les bagages pour, entre autres, ne pas être à court de sous-vêtements propres.
2 commentaires:
Salut voisin,je t'écris d'un petit coin des Pyrénées française où il pleut beaucoup de poésie.Je viens de parler de ton blogue à mes huit chiens de traîneau qui sont ici parfaitement anachroniques au pays du rugby et de la corrida. Effectivement, le Groenland a ses raisons.Affirmation qui vient en écho à la récurrente question de mes nuits occitanes : Et après le Nord ? Je me suis arrêté ici par hasard, haut lieu d'une parole simple et vivante. Je reviendrai.
Bonjour voisin. La haie est haute, je ne t’avais pas vu. Ou peut-être à cause de la météo, sûrement encore une satanée averse de poésie qui brouillait la vue. Je ne sais pas ce que le hasard et toi cherchiez, mais merci bien et n’hésite pas à semer tes cailloux ou ta mie de pain, et reviens quand tu veux! La cour est grande, tu peux aussi laisser tes chiens anachroniques courir, il y a peu de corridas ici.
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