L’épicerie est un de tes champs (à défaut de chevaux) de bataille hebdomadaires. La femme de la maison croit qu’il vaut mieux que l’épicerie se fasse à deux, utilisant presque la périlleuse expression temps de qualité, en vantant les mystérieux mérites de la double présence pour choisir le pain tranché du quotidien. Pour peu, elle te ferait penser à Marie-Josée Taillefer, en plus brune et en moins béate (tout de même… – Je suis si heureuse. Devine pourquoi! – Je l’ignore, Marie-Josée. – Eh bien! C’est le retour de la carambole du Maroc* cette semaine! Yahoo! Je vais pouvoir faire des confitures!). Ta pensée, elle, virevolte dans le coin opposé. L’alternance t’apparaît comme une idée pleine de sens et de vertus.
Par contre, tu fais preuve d’une adaptation singulière avec la nourriture et tu modifierais volontiers n’importe quelle recette plutôt que de retourner chercher un ingrédient manquant à l’épicerie. Tu as jadis adopté culinairement le principe de Lavoisier, «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.» (En fait, tu dis Lavoisier parce que c’est plus facile à retenir qu’Anaxagore de Clazomènes.) Ce jour-là marqua l’heureuse mort du pâté chinois traditionnel, et ce furent de joyeuses funérailles. Tu es donc disqualifié d’emblée au sein du couple quand vient le temps de proposer l’épicerie à garde partagée. Il y a peu d’équité dans ce domaine; il te faudra un matin trouver un pont à bloquer et des panneaux à escalader.
L’épicerie se fait donc à deux. La technique s’est affinée, les conflits se sont un peu amenuisés. Le lait 1% célèbre ta victoire, et elle se réjouit devant ses poivrons orange. Tout n’est pas encore parfait, il reste toujours les grands litiges «avec ou sans pulpes», «fromage léger ou traditionnel», «jus de canneberge ou jus de raisin», et tu entends clairement le petit soupir improbateur si tu tentes d’acheter une cinquième sorte de vinaigrette… Mais tu as ton lait 1%, rappelons-le.
Et après une joute plus parlementaire qu’alimentaire, vous échouez à la caisse en voyant la lumière au bout du tapis de caoutchouc roulant. Et c'est allors que, dans l’attente, les couvertures de magazines entrent en jeu...
- Mince récolte, cette semaine.
- Seulement cette actrice qui a perdu 20 livres. Voilà, ça mérite un frontispice pour le 7 Jours.
- Actrice? Attends… absence de nom de famille, air niais… je parierais plutôt pour une fille télé-réaliste. Hé! Regarde ici (coin supérieur droit de La Semaine). Elle aurait plutôt perdu 15 livres.
- Oui, c’est la même fille! Quel scandale…
Alors, 15 ou 20? Où s’en est donc la rigueur journalistique allée?
Rigueur, rigueur, rigueur.
*Oh! en parlant de rigueur, il est possible qu’il n’y ait pas de caramboles au Maroc, et qu’elles ne soient pas de retour cette semaine.
4 commentaires:
Du temps où je cohabitais, j'ai vite compris qu'il fallait que je me charge de l'épicerie toute seule comme une grande.
Non pas que je ne pouvais m'accommoder du n'importe quoi qu'il achetait, mais bien parce que ça finissait par coûter pas mal plus cher (en plus d'être carencé nutritivement).
Mais il sortait les poubelles et il faisait le lavage.
À bien y penser, il m'a déjà gâché une robe à 80$ et teint en rose nanane tout ce qu'il y avait de blanc dans une brassée en y ayant mis un morceau rouge, j'aurais peut-être du lui laisser l'épicerie tout compte fait...
Pascale en robe rose nanane?
Ça doit bien valoir 80$!
Et François: c'est bien beau l'épicerie commune, mais avez-vous essayé d'acheter chacun votre litre de lait? Plutôt mourir vieille fille que de me priver de mon bon vieux 3.25%...
En vérité je vous le dis, deux choses garantissent la durabilité d'un couple: la compatibilité sexuelle et la pinte de lait personnelle!
Neunon...la robe elle a pas été gâchée de cette façon-là, c'était une autre erreur. Mais j'en ai une robe rose dans ma garde-robe (pas nanane parzemple), sort le chéquier et je me pointe vite fait! :-p
Par contre, Pascale en bobette rose, t'as pas les moyens de te payer le spectacle, c'est certain! ;-)
Qui l'eut cru qu'un jour je viendrais parler lessive au Groenland...
À mort le 3.25%!
Vive le 1%!
Ouf! Je me tourne le dos quelques instants, et lorsque je reviens, ça parle d’un spectacle en bobette rose! Enfin, j’admets (sueurs et tremblements) avoir déjà bousillé des blouses de madame. Non, mais quelle idée de camoufler sa blouse dans mes sous-vêtements et d’avoir (avoir eu, pour être plus juste) des blouses qui ne vont pas à la sécheuse! Puis il fallut qu’elle en parle à toute sa famille. Alors la lessive, c’est pire que l’épicerie ici: juridictions bien séparées, chacun pour soi, et sujet tabou. (Mais bon, mettre du rouge avec du blanc… je n’en suis plus à ces erreurs de débutant.) Tiens donc, ça donne presque envie de partir une nouvelle essence de Tide; fraîcheur du Groenland. Ne manque que l’étude de marché. Ça marcherait pour le Plateau?
D’ailleurs Galad, quelle horreur! Du lait 3,25%! Du 1% avec deux cuillérées de margarine, ça fait pareil, non? Mais bon, peut-être le secret du bonheur réside-t-il en effet dans la séparation des pintes de lait… Voilà (oui, je vais le dire), c’est qu’en plus, elle fait les trous trop petits! (Rien de pire que de verser du lait sur des céréales pendant 15 minutes…) (Ah! tiens, oui: verser du lait 3,25% pendant 15 minutes.)
Mais sinon, pour le musée des horreurs des tâches domestiques, je décrète que rien ne bat le repassage… (Entendez-vous ce sinistre air de contrebasse?)
Oui, vraiment, on a parlé lessive! Ça alors…
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