29 mai 2009

Pierre V., agent immobilier, James Bond de banlieue dans le vent…

Pierre V. a tout misé sur la carte professionnelle qu’il a fait faire il y a 10 ans. Il a opté pour le regard perçant dans le vent, coloré à sa demande bleu Sico piscine aigue-marine, cheveux lissés en arrière, chemise déboutonnée dans le haut. Il se la joue franchement à la Pierce Brosnan, on l’entend se concentrer sur son objectif prioritaire: carrer sa mâchoire le plus possible. Ursula Andress et d’autres amies qui ne font pas encore d’ostéoporose se faisaient probablement dorer en bikini à côté pendant la séance photo.

L’embarras, c’est que lorsque Pierre V. passe la porte de la maison, il ressemble étonnamment à l’avocat Guy Bertrand, mais la version qui vient avec la peau orangée, un peu d’embonpoint, plus de mentons qu’il n’en faut et le vernis social d’un maire de Québec. Le bleu piscine des yeux et Pierce Brosnan ont manifestement résilié leur contrat.

Les gros méchants qui veulent dominer le monde peuvent dormir tranquilles, 007 n’est plus menaçant, il a changé son permis de tuer pour un permis de vendre le type de rêve qui vient avec des armoires de cuisine et sans bons baisers de Russie.

20 mai 2009

Martin C., agent immobilier, gendre idéal bien peigné, amateur de dauphins…

Martin C. tend la main avec l’habitude des hommes qui ont bien évalué la distance, le rythme, le degré optimal de moiteur, tout. Il est lancé, il enchaîne avec le petit hochement de tête concomitant qui est sa marque, sa touche, sa plus-value personnelle qui installe juste un soupçon de convivialité sans décoiffer ses cheveux juste gelés à point de vedette locale de la pancarte à vendre. Martin C. semble perpétuellement en mode séduction de belle-mère. La blonde Julie L., déjà plus effacée, devient son faire-valoir du «Avez-vous vu les beaux plafonds et la grande cuisine fonctionnelle?» Julie L. se dit sûrement elle aussi que si Martin C. se réincarnait en Miss Wyoming, elle ne jonglerait pas en bikini avec un bâton de majorette, mais orchestrerait plutôt un numéro d’échange de poignées de mains. Et Miss Wyoming serait élue, pense Julie L., un peu émue, mais en retrait.

Martin C. dans son bureau est encore plus intéressant. Son secrétaire en bois présente le pH neutre du luxe avant que ça devienne de l’opulence étalée, et au cas où le doute se serait instillé, le grand portrait de son fiston hockeyeur orne le mur derrière lui: Martin C. est aussi un bon père de famille qui aime la franche camaraderie du sport amateur. Il aime aussi profiter de la vie, regarde, la photo de sa femme blonde souriant avec un bébé dans le sable est justement perpétuellement tournée vers les sièges des clients, car lui n’a plus besoin de la regarder, il l’a déjà vue.

Mais ce qui est vraiment plus intéressant encore, c’est la pleine page de publicité que Martin C. s’est payée dans le journal local. Elle est justement encadrée et posée sur un petit guéridon à gauche, à l’entrée de la pièce, même si tu ne l’avais pas vue tantôt en entrant. Martin C. y dit de lui-même qu’il est un excellent vendeur, bien sûr, et il doit le savoir s’il le dit, mais ce qui fascine, c’est qu’il se soit convaincu que pour étayer ses dires, le mieux était de mettre une photo pleine page de lui-même en train de nager côte à côte avec un dauphin.