30 mai 2006

Fourre-tout (enfin, dans le sens de…)

Il y a des jours, comme ça, où les systèmes digestifs fomentent de diaboliques projets pour établir leur suprématie sur nos vies. Mon système digestif a gagné aujourd'hui. Congé forcé, donc. Et pixels noircis, parce qu’aujourd’hui, je ne courrai pas de marathon, et ne poserai pas de bardeaux d’asphalte. Promis.

Dans les grandes traditions des teneurs de carnets (hé oui), j’ai cru bon de naître à la mi-mai. Au moment où l’indécision et le sens du flou des astrologues avaient atteint leur paroxysme quant à la décision à prendre pour le choix de la meilleure date de départage entre les signes du Taureau et du Gémeau (ce qui, on en conviendra avec une suspicion notoire, assoira les bases de ma destinée métaphysique), je naquis dans un hôpital montréalais centralisé. Au bout de quelques jours, pressentant assurément les grands bouleversements économiques et culturels à venir dans le Plateau (marque déposée, je sais), je quittai à tire-d’aile cet endroit si hospitalier (appréciez la qualité du jeu de mots), non sans jeter un dernier regard à quelques prématurés et poupons qui devaient prolonger leur séjour. Ayant à l’époque une mémoire très médiocre, je ne me rappelle d’aucun de ces amis des premiers instants.

Ma grand-mère, née à la même date (mais, je vous l’assure, de nombreuses années auparavant), accueillit la nouvelle avec grande joie, tout heureuse que je fusse du sexe fort. Elle tua le veau gras pour le retour de l’enfant prodige, et je grandis dans une belle insouciance, dans un petit quartier résidentiel presque échappé par hasard au sud d’une route numérotée (Le Boulevard, dit pompeusement la population locale) qui se frayait un chemin entre un lac calme et une voie ferrée oubliée qui, elle, délimitait passivement l’ensemble des champs de maïs. Dans ce patelin, au décor digne du Survenant, mais avec plus d’asphalte et de déclin en vinyle, j’accumulai les 6 pieds et 2 pouces qui me séparaient de mon expatriation pour les études, ce qui viendra, on s’en doute, plusieurs années plus tard.

En escamotant plusieurs chapitres, j’en arrive donc à cette fin de semaine où je vieillis une autre fois (vous savez, j’ai quand même plus de vingt ans d’expérience dans ce domaine). L’occasion fut donc soulignée avec une dose très joyeuse de vin rouge, de rires, d’amitié et de famille, de temps passé à choisir quel livre recevoir en cadeau dans une librairie... mais également avec un bureau à peinturer, tout fraîchement pourvu d'un plancher de bois, ce qui nous amène à une délicieuse histoire.

La visite au Home Depot (traduction libre: Dépôt de la maison) effectuée en bonne et due forme, la pièce était disposée à recevoir 3,78 litres de peinture taverne (vous avez imaginé vert? félicitations!) et la même quantité de peinture semence de perles (allez, répétez trois fois sans rire…)

Didascalie: nous voilà éberlués devant le panneau des fiches colorées.
- Je prends quel beige?
- Celui que tu veux, me répondit-elle, en prenant soin de ne pas se compromettre.
- Tiens! Celui-ci.
Je réprimai un sourire en voyant le nom de la couleur, extravagance d’un coloriste particulièrement inspiré.
- Semence de perles, ça te va?
- Ô joie!

Toute cette euphorie nous ayant probablement fait perdre la tête, nous laissâmes par la suite le sac de terreau nouvellement acquis sous le panier, de retour au stationnement. Acheter un gallon de peinture semence de perles, c’est fortement ébranlant. Soyez avertis et allez en paix.

18 mai 2006

Erratum!

Ah! puis zut, en vérifiant avec mon bon vieux Bob en papier, je constate que la transitivité du verbe échapper est bien admise; un joli canadianisme (ouais, me semble que ce sont les Albertains qui disent ça), ajoute-t-il (non, pas ce qui est entre parenthèses) avec une citation de Lemelin. Tout ce changement pour rien, vite, publions un erratum!

À bas la rousse! Vive Bob! (Et vice versa selon la source qui appuie mes élucubrations.)

16 mai 2006

Merde! (m’exclamé-je)

Je découvre à l’instant la triste et générale transitivité indirecte du verbe échapper, sauf si on désire toujours l’échapper belle, ce qui est une manière très directe et très acceptable de vivre la transitivité du verbe échapper, comme me le susurre la rousse qui loge sur mon CD-ROM.

Pour éviter le sempiternel posté par, ma quête de verbes transitifs directs est ahurissante… Fomenté? Déjuché? (Hum! intéressant) Accommodé? (J’hésite…) Placardé? (Simplicité volontaire) Délinéé? (Assez rare pour être tentant…)

Je change aussi les rebond(s)… Cette marque incertaine du pluriel, c’est agaçant, non? Elle a un petit quelque chose d’André Boisclair («Cher membre, chère membre, cher(ère)s membre(s)…») Je demande donc à la rousse si elle a quelque chose à suggérer…

Delirium tremens? Hors-d’œuvre? Hors-texte? Post-partum?

C’était simple pourtant, allons-y pour les post-scriptum. Elle est efficace, cette rousse-là.

Alors, jusqu’au prochain changement…

10 mai 2006

Parlons plancher, mon Joe

Dernièrement, dans un sous-sol près de mon rez-de-chaussée, l’homme et la femme de la maison (mais surtout l’homme, n’en déplaise à madame) se sont attaqué au couvre-plancher. Le couple moderne se méfie souvent (hélas!) trop peu des périls de la rénovation.

À n’en point douter, il faudrait bien plus qu’une panoplie de livres beiges identiques, rédigés en suédois, bien ordonnés dans mes étagères sans poussière, pour transformer mon havre résidentiel en salle de montre d’IKEA, quelque évocateurs que soient les noms de couleurs que nous apposerons sur les murs. Or, le plancher en tapis rappelant affectueusement le vert-de-gris de l’acide qui s’échappe d’une pile alcaline ne nous émoustillait plus. Le linoléum retroussé et déchiré de la pièce à l’avant non plus. Nous étions enfin prêts pour vivre le grand rêve de la rénovation, en chantant en chœur l’étendue de notre joie, dans l’exaltante comédie musicale du Club-Réno-Home-Rona-Dépôt-Tire. Ensemble, nous étions prêts à faire la connaissance de notre futur plancher de bois flottant.

Les préparatifs furent émouvants. L’hêtre, l’érable, le chêne, le pin et même le bambou venaient pavaner leurs meilleurs atouts devant nous, en tentant de nous séduire par la qualité de leur groove (dixit vendeur nommé Roméo, «Oh yeah! groovy floor boy!»), par leur calibre remarquable, par leur taux de compressibilité renversant, par leur étonnant fini lustré ou par leurs motifs délicieux à saveur rustique, campagnarde ou moderne. Nous naviguâmes entre les prix d’amis (oui Roméo!), les vieux planchers bleus en plastique invendus depuis 1997, les vieux classiques du bois flottant à prix et à apparence modiques, et les nouvelles vedettes du genre (regard amouraché, «Ça, c’est mon p’tit dernier!»), les nouveaux trésors de la rénovation, le nouvel avatar divin fait plancher.

Après tergiversations, nous jetâmes notre dévolu sur une sélection judicieuse.

- Oui, chérie, bernons nos voisins. Optons pour le pin de Georgie!
- Oui, mon amour, quel joli côté rustique. Comme sa teinte réconfortante me réjouit! Vois comme elle va bien avec nos étagères ragaillardies.

Alors depuis ce temps, tel le couple modèle des annonces de Canadian Tire, je joue du ruban à mesurer et de la scie sauteuse dans un tango sulfureux, puis nous glissons les lattes dans leurs rainures si désirables. Les plinthes s’empilent dans un tas instable, nous haussons parfois le ton. Le bonheur s’effriterait-il?

- Pourquoi pas la petite, là?
- Non, regarde la rangée d’avant!
- Celle-ci, ça va!
- Non, regarde la rainure! Le groove, baby, le groove!

Il reste encore une pièce et une garde-robe. Bien, c’est possiblement tout ce que le couple est encore capable d’affronter.

04 mai 2006

Régie linguistique autonome du Groenland

Cher Patrice L’Écuyer,

Oui, je sais. On ne se parle pas souvent, mais tu permets que je te tutoie? Merci.

J’ai un petit reproche à te faire. Bien sûr, je sais que tu vas dire que ce n’est pas vraiment toi qui as pris la décision, que c’est la faute à d’autres, que ça a été accepté plus haut par des bonzes qui prennent toutes sortes de décisions bien plus répréhensibles encore. Certes.

Ça m’énerve un peu depuis la première fois que j’ai entendu ton annonce. Tu me diras que tu n’es pas le seul à le dire. C’est vrai! Sophie Thibault aussi l’a déjà dit. Elle aime bien ça la Sophie; ça fait humain, ça fait connecter avec le peuple, ça fait gagner des trophées quand c’est ce peuple-là qui vote. Elle s’en servait allégrement pour André Boisclair, et bien d’autres fois. Mais, tu sais comme moi comment c’est rendu, aux nouvelles. Oublions les «Inondations à Châteauguay», sous-titrons plutôt «Châteauguay dans la flotte!»; ça fait tellement plus peuple, ça, mon homme! Et si on peut faire un jeu de mot bas de gamme, rien de plus merveilleux! «À Laval, on avale la grande tasse!» La salle des nouvelles, en émoi, prie pour des inondations lavaloises…

Bon, tu me diras qu’on s’égare. Tu me diras aussi que c'est un peu trop tard, là, non? Que c’est commencé pour de vrai, là, à la télé, alors… Oui, on ne te cache rien.

Mais… des squelettes dans le placard, c’est un calque de l’anglais! Bon, d’accord, c’est attesté dans quelques dictionnaires, alors tu peux toujours te défendre. Toutefois, sois certain que je te surveille, au cas où te prendrait l’envie d’appeler ta prochaine émission L’argent ne pousse pas dans les arbres, Mettons-nous un pied dans la bouche, ou Tu fais un fou de toi. On s'entend? Considère cela comme un avertissement…

Sans rancune, Patrice!

Embrasse ta femme de ma part.

01 mai 2006

Effets secondaires

Je suis impressionné par votre sens du devoir, vous qui êtes toujours au poste pour traquer les polémiques, pour partir les débats, pour étendre vos émotions, pour analyser les aléas des parcelles de vie qui parsèment ces espaces bien hétéroclites.

Vous puisez souvent ce temps d’un puits qui semble surabondant, pour éteindre des feux qui paraissent fréquemment inextinguibles.

Je m’explique toujours aussi mal mon parcours par ici, ma quête de choses que je sais pas trop chercher, mon besoin de remplir des pages d’incertitude, de futilité, d’anecdotes, de pensées. Je multiplie les contraintes, les limites, les zones dangereuses, les terrains glissants. J’édulcore mon besoin d’écrire à travers les tamis de mes inhibitions.

Par contre, l’analyse que je fais de cette granulométrie étonnante est bien indocile, bien inégale.

Ceci ne serait donc qu’une grande cachotterie, qu’une activité clandestine presque téméraire?

Bon, je jette maintenant cette bouteille à la mer, et rentre au port. J’ai une grippe d’homme à dominer. Que mettent-ils donc dans ce sirop pour la toux?